Chromo et découpis

Au début du XXème siècle certains éditeurs de cartes ont diffusé des cartes blanches, sur carton épais qui pouvaient servir de support à des dessins ou des collages. De nombreuses cartes postales ont circulé au début du XXe siècle, montrant des paysages réalisés avec de l’aquarelle et des timbres découpés et collés. Ce sont des découpis de timbres sur carte, représentant  des paysages, des créations pour accompagner une fête, des vœux … ce sont souvent des fleurs, parfois des personnages… Chaque carte est unique, cela va de soi.

maison au bord de l’eau, 25c semeuse et 15 c sage

moulin et pont, 25 c semeuseInfirmière (vu sur https://www.cparama.com/forum/decoupis-t9110.html)

Et pour finir une farandole de semeuses et aquarelle, en Provence :

decoupis danse semeuses

Feuilles – témoin et « fleur de tirage »

Jusqu’en 1915, l’administration a émis toutes les vignettes en feuilles non dentelées, avec une impression très fine. Ces timbres, nommés « Fleur de tirage », servaient à la présentation du timbre à émettre et au réglage réglages des outils d’impression.
Ils sont rarement imprimés avec le papier qui servira au tirage, celui-ci étant le plus souvent plus épais, et leur nuance s’en trouve le plus souvent légèrement modifiée. Certaines feuilles témoins sont gommées.

Bleu foncé (nuance de 1907) sans gomme
avec cachet « Vérification du matériel * D * » daté du 7 novembre 1907

Petite fabrique de faux sur Carte-Lettre de Syrie

Il y a quelques temps, sur un site généraliste de vente aux enchères en ligne, je repérais une carte-lettre de Syrie, deux en fait, les fameuses cartes surchargées 1 et 2 piastres sur 25 c bleu.

et

Voyant un prix bien faible, mon cœur ne fit qu’un tour et je m’évertuais à cliquer aussi promptement que possible pour cette enchère remarquable.

La carte lettre à  2 piastres contenait une variété (!) sans « S » à piastre : « 2 piastre », c’est possible, évidemment, mais ce n’était pas mentionné. Son prix étant déjà élevé, je me disais que de me concentrer sur la Carte-Lettre à 1 piastre serait pour cette fois bien suffisant, tout en me demandant qui pouvait bien être ce philatéliste qui se séparait de sa collection car ces deux pièces sont plutôt peu fréquentes.

Une nuit passait.

Le lendemain, je ne cessais de penser à la très bonne affaire en cours (il ne restait plus que quelques heures) lorsqu’un doute affreux s’est emparé de moi : je n’avais même pas vérifié les dates de ces cartes lettres.

Ce n’est pourtant pas très compliqué, mais la précipitation avait eu raison de moi. Bon, les dates? 101,103,104 et 105 pour le 1 piastre, 103 et 105 uniquement pour le 2 piastres.

Voyons « mon » enchère :

syrie fausse surcharge3Il n’est pas besoin de beaucoup de temps pour remarquer que la carte est datée 347. Il s’agit donc indubitablement d’un faux. En outre, comment quelque chose d’émis début 1923 pourrait il avoir été imprimé dans la 47ème semaine de 1923 (3 pour le millésime, 47 pour la semaine)? Par ailleurs cet objet semble avoir été « estimé » 5euros

Un tel faux est a priori connu, certes, mine de rien, il s’agit d’un faux.

J’envoie alors le courrier suivant :

[moi] :

Cher monsieur,

je viens de miser sur l’une de vos ventes. Pourtant juste après avoir enchéri, je me suis rendu compte que j’avais commis une erreur en observant attentivement les scans fournis et il me semble que l’objet en question n’est pas ce qu’il parait être. Plus précisément, cette surcharge ne peut exister sur une carte-lettre portant cette date. En conséquence je redoute qu’il ne s’agisse d’un faux (la lettre ne correspond pas à la date imprimée sur les lettres imprimées en Syrie). C’est pourquoi je demande, par ce message, la rétractation de mon enchère. D’avance merci.

Signature.

[réponse du vendeur] :

cher monsieur,
c’est militaire postal card issue pour Ain-Tab , Syria. s’il vous plait vois autre objet sold dans [mes autres ventes]. merci

[moi] :

cher monsieur,
je sais parfaitement de quoi il s’agit. Votre carte lettre surchargée de cette sorte doit correspondre à une date qui n’est pas celle imprimée sur la carte (on a ici 347, la date doit être 101 ou 103 ou 104 ou 105). Je pense qu’il s’agit d’un faux. C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer mon enchère.

Dear sir,
I perfectly know what it is. This card overprinted this way has to correspond to a date, which is not the one printed on the card (here 347, MUST BE 101 or 103 or 1014 or 105). I’m affraid it is a forgery. That’s the reason why I ask you to suppress my bid.

[vendeur]

as you like

Et la vente s’arrête là puisque mon enchère trop rapide est retirée. Encore une fois, cette date 347 est connue sur de tel cartes lettres et répertoriée comme faux. Mais je n’avais pas envie d’acheter un faux.

La vente s’arrête là, mais pas l’histoire.

Une semaine après en effet, le même vendeur met en vente une autre carte lettre. Toujours sur le 25c bleu, ce n’est plus la carte à 1 piastre, mais celle à deux piastres (sans faute cette fois!) toujours émise en Syrie :

syrie fausse surcharge 2Cette fois ci la date est bonne, la surcharge est bonne, le pointillage semble correct lui aussi. En fait tout est bon, sauf peut être la couleur. Mais il s’agit d’un scan : peut être l’image est elle mauvaise?

Je vais alors regarder les autres ventes de ce vendeur : UNIQUEMENT des timbres surchargés de Syrie ou du Grand Liban, ou des Alaouites etc : un spécialiste d’une zone et d’une histoire marquées par des milliers de faux en circulation, des oblitérations de complaisance sur courrier à l’époque et presque aucune fiche grand public pour discerner le vrai du faux la dedans !

Cette fois, là, je n’enchéris pas : au delà du fait que cet objet est beaucoup trop rare pour statistiquement se retrouver chez le même vendeur à quelques jours d’intervalle, le doute s’est installé, la confiance qui est la base de toute transaction a disparu, c’est fini.

Évidemment, certains ont cependant acheté des objets de cette nature : en lisant les commentaires des autres acheteurs, on voit qu’ils sont très satisfaits ; et en vrai, la majorité va préférer la politique de l’autruche plutôt que de faire face à la réalité : ils se sont fait avoir. Très satisfaits sauf deux qui n’hésitent pas à parler d’escroquerie.

Seul conseil : toujours, toujours être prudent et prendre son temps en philatélie.

Les timbres perforés issus de roulettes ou de carnets

Les timbres “Roulette”

Les timbres issus de roulettes se rencontrent parfois perforés. Il en existe de 2 types :

1) Les perforés de roulettes accidentelles : toute société pouvait utiliser une roulette et perforer à l’unité.

2) Les perforés des machines à affranchir : un certain nombre de machines à affranchir munies de perforateurs du type machine “POKO” permettait, à partir de rouleaux de timbres, d’affranchir le courrier très rapidement (60 lettres à la minute).

poko

Comme on peut le lire sur la publicité ci dessus issue du journal, la machine « enregistre, perfore, totalise et colle ». En effet, le but premier de la perforation, outre un effet publicitaire our la société perforatrice, était de comptabiliser les timbres afin que des employés indélicats ne les gardent pour eux : seuls le courrier émanent de la société pouvait être revêtu de ces timbres perforés.

Dans le blog sur les roulettes ( http://philatelie-roulette.blogspot.com/2009/03/le-distributeur-poko.html ), on peut lire :

Distributeur privé ou plutôt machine à affranchir bien connu des collectionneurs de roulettes et des collectionneurs de timbres perforés la machine « POKO » fait son apparition en France dans les années 1912. C’est la « Société Française des Distributeurs Automatiques Abel », la même qui a mis en service le premier distributeur public de timbres en rouleau, qui commercialise cette machine. (…) Il faut attendre quelques années après la grande guerre pour voir revenir des publicités pour cette machine.
Certes elle a changé de nom, le terme « POKO » a disparu et le nom du constructeur est ignoré mais maintenant on est sûr quelle peut perforer. Il y a eu aussi quelques modifications apportés au système de dépose du timbres-poste.
Vous pouvez trouver les détails de son fonctionnement sur la notice déposé lors de la demande de brevet (N°519018).
Le terme « POKO » est de diminutif de PORTO-KONTROLL-KASS.

Nombre de sociétés semblent avoir utilisé des machines de type à affranchir utilisant des roulettes à plat mais qui ne sont pas de type “POKO”.

On connaît :

tableau-perfores-roulette

Les valeurs les plus courantes sont les 25c Bleu Semeuse camée et les 50c Rouge Semeuse lignée. Puis les 10c Rouge, 15c Brun,  30c Bleu, la moins courante est le 50c Pasteur.

Ceci nous donne au total près de 22 types de roulettes différentes pour 38 sociétés connues actuellement.

Les timbres avec bandes publicitaires

Des carnets avec publicité ont été également perforés par des sociétés, mais on les rencontre très rarement. Ils ne concernent pas le 25 c bleu Semeuse, on en donne cependant la liste :

tableau-perfores-carnets

De nombreux autres timbres en provenance de carnets sans publicité sont également connus.

Les timbres de roulette : le distributeur ABEL

Un excellent travail de recherche a été effectué sur philatélie-roulette.blogspot à cette adresse

Je reproduis donc cet article:

_ La littérature philatélique nous apprend que le premier distributeur de roulettes a été mis en service le 13 mars 1908 à l’Hôtel des Postes de Paris et qu’il distribuait une vignette à 10c. (voir : http://philatelie-roulette.blogspot.com.tr/2010/07/flash-special.html)
_ Très peu d’illustration existe sur ce distributeur, mais après quelques recherches, j’en ai trouvé quand même quelques une.
_ Tout d’abord celle-ci, extraite de la revue « LA NATURE » N°1913 du 22 janvier 1910 page 113, qui correspond à cette première machine. L’article de trois pages nous fournis une multitude d’explications sur le fonctionnement de l’appareil.
Le distributeur « ABEL ».
Et un zoom sur la partie du mécanisme, nous en apprend d’autres. Certes la bobine n’est pas dans le bon sens, enfin pas dans celui que l’on connait. Et il faut se rappeler qu’à cette époque il n’y avait pas de factice, et c’est très certainement la maison « Société Française de distributeurs automatiques Abel » qui a dû fabriquer ses bobines pour la mise au point du distributeur.
Les opérations effectuées lors de la distribution du timbre-poste sont :
1°) Le maintien de la bande par les deux bloqueurs « TT »;
2°) La coupe suivant l’axe repéré « EE »;
3°) Le recul du couteau et des bloqueurs;
4°) La mise en rotation des molettes « NN », servant à évacuer la vignette coupée, puis des molettes « MM », servant à avancer d’un pas la bande de timbre-poste, les galets « NN » et « MM » ne sont pas moleté sur toutes la circonférence, mais uniquement sur une longueur d’un timbre pour les molettes « MM », et d’un timbre et demi plus un chouïa pour les molettes « NN », afin 1) d’évacué le timbre coupé et 2) de finir le dévidement de la bande pour une avance d’un timbre plus un petit quelque chose !!!
Pendant l’avance de la bande il y a deux pièces importantes de ce distributeur qui entrent en action. Ce sont les griffes « GG ». Leurs extrémités sont munies de pointe et elles ont un mouvement de rotation suivant l’axe « O ». Elles sont écartés de la bande au début du dévidement, afin de sortir les pointes qui sont entrées dans la dentelure, puis elles sont finalement libéré pour qu’elles se repositionnent dans la dentelure suivante et par leur effet de rotation repositionnent la dentelure à exactement une hauteur de timbre de l’axe de coupe, lorsque la bande est libérée des molettes.

En fin de distribution, il y a donc un timbre sous l’axe de coupe « EE », puis la bande maintenue par les griffes « GG ».

Le mécanisme d’avance et de coupe de la bande.

Après ce résumé de la revue, quelques détails qui nous intéressent un peu plus et qui ne sont pas donnés.

Le premier détail est la distance qu’il y a entre l’axe de coupe et le noyau de la bobine équivalent à un peu plus de six timbres.Ca ne vous rappelle rien ?
Le deuxième correspond à la position de l’axe de maintien de la bande qui oblige à avoir au moins deux vignettes au dessus du dernier timbre à distribuer.
Et enfin le troisième avec ses molettes « NN » et « MM » qui ont laissé de si jolies traces.
Les axes
Quelques implantations.
Je sais tout du 15/06/1908 Page 573
A l’Hôtel des Postes.
Le journal de la jeunesse du 18/12/1909 Page 48