Quand l’acheminement devint impossible.

Dans notre étude sur les marques des vaguemestres, nous mentionnons les marques de retour à l’envoyeur et celles des acheminements impossibles.

Pour les plis recommandés, on a très vite pratiqué le retour à l’envoyeur.

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Griffe RETOUR / A L’ENVOYEUR
et cachet Retour à l’envoyeur /Le destinataire n’a pu être atteint en temps utile

Les autres correspondances restaient cependant en souffrance.

Un mention spéciale a été apposée, sans réel succès :

Le 6 décembre 1914, le ministère décida de liquider toute cette correspondance : toutes les lettres furent traitées, certaines renvoyées aux expéditeurs, d’autres aux rebuts. La circulaire imposait à tous une estampille commune : LE DESTINATAIRE N’A PU ÊTRE JOINT EN TEMPS UTILE. Il y en eut de toutes les couleurs et de toutes les formes, sur une ou plusieurs lignes. Plus tard l’expression fut modifiée, « JOINT » devint « ATTEINT », et « EN TEMPS UTILE » devient « EN TEMPS VOULU », puis fut supprimée.

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Retour à l’envoyeur / le destinataire n’a pu être atteint, 14 novembre 1915

Pour indiquer le renvoi sur le bureau initial, on apposa en accord avec le bureau de poste civile de la localité la griffe « RETOUR / A L’ENVOYEUR / Numéro » Ce numéro étant un numéro d’ordre de la nomenclature des bureaux.

Dans certain cas, du fait de l’interruption du service postal, l’acheminement devenait objectivement impossible. Pour retourner le courrier à l’expéditeur, du moins au service initial, on apposa alors le cachet « LIEU DE DESTINATION ENVAHI » puis la griffe « ACHEMINEMENT IMPOSSIBLE » qu’on ne doit pas confondre avec la précédente.

Ce fut le cas en août 1914 lorsque le service a été interrompu avec les départements envahis du Nord et de l’Est de la France, malgré les tentatives de contournement soit par le commission de contrôle de Pontarlier, soit par Genève et l’entremise de la Croix Rouge:

Amiens, 30 août 1914 pour Gueudecourt (Somme) : rupture du service postal, « LIEU DE DESTINATION ENVAHI »

Lettre d’Epernay (Marne) du 13 décembre 1914 pour Machault (Ardennes).

Le verso porte la mention « LIEU DE DESTINATION ENVAHI » ce que l’expéditeur savait parfaitement, puisque la lettre fut envoyée sous couvert de l’action de la Croix Rouge de Genève.

Même dans ce cas, Machault, occupé dès le 2 septembre 1914 resta coupé du reste du pays jusqu’au 11 novembre 1918.

Bien évidemment la transmission du courrier à destination des belligérants ennemis a aussi été suspendue, comme pour l’Allemagne ou l’Autriche, mais aussi pour la Russie après la signature du Traité de Brest Litovsk mettant fin aux hostilités avec l’Allemagne en décembre 1917 après le Révolution d’Octobre, ou encore les nouveaux pays baltes indépendants.

Paris, 7 janvier 1918 pour Moscou : Acheminement impossible du fait de la rupture du service postal

Ces dispositions son restées valables après la guerre dans certains cas, comme ici pour Reval (ancien nom de Tallinn) en Estonie en janvier 1919.

Après le traité de Brest Litovsk de décembre 1917, l’Estonie et les provinces baltes de Russie devinrent indépendantes, la date retenue étant celle de la proclamation de l’indépendance estonienne le 24 février 1918. En fait, elles furent occupées par l’armée allemande. Le 3 mars, avec la signature de la paix de Brest Litovsk, cette fois, la Russie reconnut cette indépendance et en août de la même année, elle accepta dans le cadre d’une clause additionnelle de renoncer à sa souveraineté sur les provinces baltes. En novembre 1918, avec l’effondrement de l’Empire allemand, l’Estonie se vit de nouveau menacée par les russes dénonçant le précédent traité après qu’un Comité révolutionnaire provisoire d’Estonie se proclama seul pouvoir légal en Estonie et demanda aux russes de « libérer le pays ». La guerre qui s’en suivit dura de janvier 1919 (interruption de notre service postal) à février 1920 quand fut signé le traité de Tartu reconnaissant l’indépendance de l’Estonie.