Le contrôle postal a été engagé dès le 4 août 2014. D’abord par la pratique du « retard systématique ». Il s’agissait de bloquer en gare de ravitaillement des dépêches devant partir du front vers l’arrière et de les retarder de façon à ce que les informations qu’elles auraient pu contenir seraient devenues obsolètes et donc inutilisables. A partir de janvier 1915, la guerre ne voulant pas finir, se mit en place un contrôle postal de plus en plus systématique.
On s’inspire pour cette présentation, directement, de l’ouvrage de M. Bourguignat, Le contrôle postal et télégraphique français pendant la Première Guerre mondiale, Académie de philatélie, 2010. Toute la difficulté sera bien évidemment de trouver les traces de ce contrôle sur le 25c bleu.
Comme pour la partie précédente (marques des payeurs… ) rappelons que pendant la guerre, la France connut deux tarifs postaux intérieurs. Dans celui de 1910, pour les tarifs les plus usuels, la carte postale était à 5c, la lettre pour l’intérieur à 10c, la taxe de recommandation étant de 25c. Le premier janvier 1917, la taxe de la lettre simple passa à 15 c, celle de la lettre 2ème échelon, de 20 à 50 grammes, à 25 c. En revanche, la taxe de recommandation ne varia pas. On rechercha donc prioritairement dans la tarif intérieur les lettres chargées dans le tarifs de 1910, puis les lettres de deuxième échelon après le 1er janvier 1917, les lettres ou objets recommandés sur toute la durée de la guerre.
Concernant les tarifs pour l’étranger, le tarif du 1er mai 1910 a duré jusqu’au 31 mars 1921, soit onze ans, ce qui est exceptionnel. On recherchera, là, les lettre simple ou recommandée pour l’étranger.
Cette double recherche est naturellement complexifiée par l’existence d’une franchise postale et par certaines restrictions : les prisonniers de guerre ne pouvaient pas envoyer de recommandés, par exemple.
I – Les débuts du contrôle postal
A – Les premiers temps du contrôle
Dès le 9 août 1914, le Grand Quartier Général (GQG) mit en place un retard systématique de quatre jours sur les correspondances en provenance de la zone des armées et des zones des étapes et sur le courriers à destination de l’étranger. L’idée est simple : rendre obsolète une indiscrétion d’ordre militaire. Le 9 octobre, le GQG maintint ce retard, ramené à trois jours cependant dans la zone des armées (sauf à l’intérieur d’un même département ou pour un département limitrophe). Pour l’étranger (pays neutres), ce retard fut maintenu aussi et même cumulé avec le retard de la zone des armées. Si l’idée était simple, son application fut chaotique : certaines correspondances se trouvèrent bloquées quatre jours, alors que les plis étaient urgents, d’autres se trouvèrent bloquées à toutes les étapes, ce qui cumulait les retards, parfois portés à douze jours.
Ce retard n’atteignit cependant pas ses objectifs. On révéla la mesure au public afin d’apporter une réponse aux multiples plaintes des usagers. En même temps que l’État major donna des instructions pour que les postiers lisent les correspondances des militaires en toute discrétion, en profitant du temps du retard, justement. Durant tout le mois de janvier 1915 l’État major de Joffre a multiplié les demandes en ce sens. Le courrier de la zone des armées peut être saisi et contrôlé dans le but de rechercher des indiscrétions. Plus tard, on étend cette recherche, réalisée cette fois par des Officiers de Police Judiciaire à la poste civile. Le 26 janvier une circulaire précise que le courrier doit être refermé avec une « étiquette gommée portant mention de la saisie qui avait été effectuée« .
Marque d’ouverture des premiers temps du contrôle militaire, État major, commissaire spécial – service de sûreté, de Remiremont (Vosges) vers Genève (Suisse)
En mars 1915, l’administration des postes rappela, d’après le règlement du service postal, les dispositions nécessaires à la manipulation du courrier, et dégagea sa responsabilité dans le contrôle des correspondances. On peut notamment lire que l’autorité qui aurait saisi une correspondance est « tenue également de recacheter les correspondances rendues au service, après avoir été ouvertes et de les revêtir de la mention « ouvert par autorité de justice » ou « par autorité militaire » ou toute autre dégageant la responsabilité de la poste« .
Le ministère de la Guerre accéda à cette demande et avertit le public de ce contrôle le 10 juin 1915.
B – Mise en place de la Commission de Belfort et du contrôle dans la zone des armées
Entre le 6 et le 16 août 1914, 93 communes de Haute Alsace furent libérées par l’armée française, principalement dans les vallées de Thann et de Massevaux. A partir du 6 octobre 1914 la population de Dannemarie fut autorisée à utiliser la poste militaire pour les correspondances civiles. A partir du 1er février 1915 l’armée mit en place un service postal civil à Wesserling, Moosch, Thann, Massevaux et Dannemarie. Celui-ci fut étendu à Montreux Vieux le 1er décembre 1916. Il s’agissait, d’une part, de réintégrer tous les civils au sein de la République, mais aussi de témoigner de la reconquête de l’Alsace.
source de la carte : crdp strasbourg
Dès le mois de décembre 1914 une Commission de Contrôle Postal (CCP) dépendant du Service de Renseignement des Armées fut mise en place à Belfort afin de contrôler le courrier entre l’Alsace libérée et le reste de l’Alsace, lequel courrier transitait par Bâle. On étendit la contrôle aux zones voisines. Elle utilisa un cachet « Contrôlé » puis un cachet carré « ouvert par l’autorité militaire« . Notons que, contrairement aux autres CCP de la zone des armées, elle n’utilisa pas, plus tard, de marque « contrôlé par l’autorité militaire« .
Grand cachet circulaire du bureau central de contrôle de Belfort
Bureau central de contrôle de Belfort, Gouvernement militaire de Belfort, 20 décembre 1914, de Sainte Marie (Doubs) vers Schwytz (Suisse)

Lettre de Châteauroux (Indre) le 10 juin 1915. Cette lettre est passée le 12 juin par Besançon, puis le 13 par le territoire de Belfort où elle a été visée (grand cachet de la CCP de Belfort) avant d’être transmise en Suisse pour être délivrée finalement à Strasbourg, au camp de prisonniers de guerre.
Marque « contrôlé »
Ministère de la Guerre, contrôle postal de Belfort avec cachet « contrôlé« ,
de Moosch (Alsace), 23 mars 1915 pour Genève (Suisse)
Cachet carré « ouvert par l’autorité militaire »
Ministère de la Guerre, contrôle postal de Belfort avec cachet carré « ouvert par l’autorité militaire« ,
de Thann (Alsace), 25 août 1915 pour Genève (Suisse)
Ministère de la Guerre, contrôle postal de Belfort avec cachet carré « ouvert par l’autorité militaire« ,
de Moosch (Alsace), 2 septembre 1915 pour Zürich (Suisse)
C – Mise en place de la Commission de Pontarlier pour le contrôle des courriers des internés civils et des prisonniers de guerre
Chacun comprend aisément que le courrier des prisonniers est un moyen potentiel très simple de communication avec l’ennemi. Afin d’éviter le risque d’espionnage et la divulgation d’informations qui pourraient mener à des représailles sur des prisonniers français un contrôle strict fut établi. Les correspondances devaient être des lettres ouvertes ou des cartes postales. Elles étaient ensuite envoyées au bureau de Pontarlier qui en assurait l’expédition vers l’Allemagne via Berne, après un accord avec la Suisse. Réciproquement, le bureau de Berne renvoyait sur Pontarlier tout ce qui provenait d’Allemagne ou d’Autriche ou de Suisse pour la France. Le 26 novembre 1914, on demanda à ce qu’une surveillance particulière fût mise en place à Pontarlier : c’est l’origine de la Commission Postale de Contrôle qui vit le jour le 2 février 1915.
2 décembre 1914, suscription : « correspondance des prisonniers de guerre« , mention manuscrite, cachet du dépôt des prisonniers de guerre de Casabianda pour Genève. Le Petit bastiais du 6 octobre 1914 annonçait que le bâtiment Le Golo avait amené à Bastia un premier convoi de 77 prisonniers allemands. Ces hommes furent conduits par train à Casabianda.
21 novembre 1915, Marseille pour Genève, estampille « prisonniers de guerre de Marseille / VERIFIE »
On notera que, le 22 décembre 1914, une circulaire avait demandé que le courriers des prisonniers via Pontarlier fussent délivrés à l’entrepôt de Besançon. Cette mesure, qui ne simplifiait pas vraiment l’acheminement, fut suspendue en novembre 1915.
II – Mise en place du contrôle de la correspondance avec l’étranger
A – Extension du rôle de la CCP de Pontarlier aux correspondances avec la Suisse
Aucun contrôle n’était initialement prévu avec l’étranger. Deux mesures auraient dû suffire : le retard systématique, qui rendait caduque a priori des renseignements délivrés dans une correspondance et le rupture des relations avec les belligérants. On estima que le contrôle était devenu efficace au début du printemps 1915. Pourtant, nombre de commissions supplémentaires et nombre de règlements virent le jour, et ce jusqu’à la fin de la guerre. Ceci débuta par la confirmation de la CCP de Pontarlier et l’extension de son domaine d’activité à tout le courrier à destination ou en provenance de la Suisse (mars 1915).
Contrôle postal de Pontarlier, premier modèle de cachet « ouvert par l’autorité militaire« , lettre de Paris pour Zofinque (Suisse), 24 juin 1915
Ministère de la Guerre, contrôle postal de Pontarlier avec cachet carré « ouvert par l’autorité militaire« , de Paris, 9 septembre 1915 pour Lucerne (Suisse). On notera en outre le timbre perforé du Crédit Lyonnais.
Ministère de la Guerre, contrôle postal de Pontarlier avec cachet carré « ouvert par l’autorité militaire« , de Paris, 14 septembre 1915 pour Zurich (Suisse).
On notera le tarif de la lettre au troisième échelon à 55 c (25c+ 30c)
B – Création de nouvelles commissions de contrôle postal (CCP)
De nombreuses tentatives de contournement du contrôle mis en place par l’armée virent le jour presque aussitôt : ceci mena à l’élaboration de routes alternatives. C’est pourquoi l’armée décida dès le 6 avril 1915 de contrôler les correspondances vers les Pays Bas et les Pays Scandinaves. Ce contrôle nouveau permit la création de la CCP de Dieppe. En juin est créée la CCP de Bellegarde afin d’achever le contrôle de la frontière suisse, lieu de tous les trafics et de toutes les contrebandes entre Allemagne, Espagne et Portugal.