Service postal de l’armée américaine en France en 1917

Arrivée du contingent américain en France

lettre censure US
19 septembre 1917, camp de Gondrecourt (Meuse), pour Paris, affranchissement à 25c avec cachet de l’armée américaine. Lettre signée Bailey K. Ashford.

Débarquement à Saint Nazaire en juin 1917

Les États-Unis entrèrent dans le conflit le 6 avril 1917 par une déclaration de guerre du Congrès des États-Unis après que l’Allemagne avait mené une guerre sous-marine à outrance qui avait coulé des navires américains. Le président Wilson proclama alors que « L’Amérique [devait] donner son sang pour les principes qui l’ont fait naître ».

Un petit contingent fut symboliquement envoyé en France qui débarqua le 26 juin 1917 à Saint-Nazaire. D’autres débarquèrent à Bordeaux en juillet 1917, enfin à Brest le 12 novembre 1917. Le général Pershing, général en chef de ce détachement américain, insista pour que le corps expéditionnaire restât une armée indépendante des armées britanniques et françaises et dès le 21 octobre, les 14 500 hommes de la 1ère division d’infanterie américaine furent affectés à un secteur – relativement calme – du front, près de Toul.

La 1st Infantry Division avait donc été créée en juin 1917. Elle était placée sous le commandement du Major General Charles P. Summerall, du Lieutenant Colonel Campbell King, du Major H. K. Loughry, Adjutant General.

Les premières unités quittèrent New York City et Hoboken, New Jersey le 14 juin 1917 et arrivèrent en France au plus tard le 2 juillet 1917. Dans le reste de l’année, le reste de la division suivit, débarquant à St. Nazaire, en France et Liverpool, en Angleterre. Après un bref séjour dans les camps de repos, les troupes d’Angleterre débarquèrent à leur tour au Havre. La dernière unité est arrivée à St. Nazaire le 22 décembre. À son arrivée en France, la première division fut rassemblée dans la première zone d’entraînement au camp de Gondrecourt pour l’infanterie, les unités spéciales et les unités médicales ; l’artillerie quant à elle rejoignit le camp du Valdahon.

Le 4 juillet, fête de l’indépendance des États-Unis, des soldats du 2ème bataillon avaient défilé dans les rues de Paris pour soutenir les esprits Français au cri de « Lafayette nous voilà ! ».

Cette première division fut la première division d’infanterie américaine à être créée dans le but de combattre les forces allemandes lors de la Première Guerre mondiale. Elle était formée de 4 régiments d’infanterie (16ème, 18ème, 26ème et 28ème régiments d’infanterie), trois régiments d’artillerie (2nd et 3ème bataillons et 1ère batterie de mortiers) ainsi que d’un ensemble d’unités plus réduites (5ème, 6ème et 7ème divisions d’artillerie de campagne, mais aussi troupes du génie et du train). Au total, cette division comptait près de 28 000 hommes. Elle effectua son baptême du feu le 3 novembre 1917 et vit ses premières pertes dès le 4 novembre.

Camp de Gondrecourt

En juin 1917 arrivèrent dans le sud de la Meuse les premiers éléments de l’AEF pour s’y entraîner. Dans le cadre des accords Baker – Joffre, la 1re division arriva à Gondrecourt-le-Château où des unités combattantes françaises assurèrent l’instruction des unités américaines dans la zone des armées. Une impressionnante infrastructure logistique fut mise en place parfois avec l’aide de l’armée française : baraquements préfabriqués, voies ferrées, dépôts de ravitaillement, parcs d’artillerie, garages, terrains d’aviation, hôpitaux.

Sans titre

Un hôpital de campagne s’installa dans des baraquements à Gondrecourt-le-Château (Meuse), puis, développé, devint le Camp Hospital No. 1, d’une capacité de 300 patients, soignant tous types de cas. En septembre 1917, le Base Hospital No. 18 s’installa à Bazoilles-sur-Meuse (Vosges), et cette formation sanitaire reçut alors les patients du Camp Hospital No. 1.

Cet hôpital était, comme toutes les opérations médicales, sous le commandement d’un physicien et médecin réputé, notamment pour ses travaux en chirurgie et sur les maladies tropicales à Porto Rico, le colonel Bailey K. Ashford, que le général Pershing avait fait venir auprès de lui.

Après un premier séjour en ligne, la 1st division fut relevée le 29 novembre 1917, et regagna la zone de Gondrecourt, où elle resta jusqu’au 15 janvier 1918. Parallèlement à ce camp, un Field Hospital No. 12 se trouvait dans la zone de Vaucouleurs, à Burey-en-Vaux (pour les maladies), un Field Hospital No. 13, à Sauvigny (pour les cas dermatologiques et vénériens). Les malades les plus sérieux étant, quant à eux, évacués sur le Base Hospital No. 66 de Neufchâteau.

Organisation de la poste aux armées

Secteur postal n° 10 de l’armée française

Le secteur postal n° 10 de l’armée française desservit la 10ème Division d’Infanterie jusqu’au 16 février 1917 où il fut remplacé par le secteur n° 41.

Il fut rétabli le 25 Août 1917 à Gondrecourt pour desservir la Division Américaine puis transféré à Chaumont où il desservit aussi la Mission Française auprès de l’Armée Américaine à partir du 4 Septembre 1917. Il fut dissous le 14 Avril 1919.

Courrier pris en charge par l’armée américaine

Les instructions concernant le service postal de l’armée américaine datait de 1881, revues en 1915. Le 1er juillet 1917, par ordre du général Pershing, fut établie la circulaire suivante :

postal agents

Les agents postaux des services postaux de l’armée américaine ne distribueront pas une correspondance qui ne serait pas proprement timbrée avec les timbres de censure. Proprement timbrée avec les timbres de censure, marquée « lettre de soldat » et contresignée par un officier, la correspondance sera, depuis sa base, délivrée à destination, sans prépaiement du port et seulement en simple taxe collectée au moment de la remise.

Ceci complétait les instructions précédentes du 28 juin 1917 :

  • Aucune mention sensible, « dangerous information », géographique ou militaire ou de quelque nature que ce soit, y compris le nom du soldat, sa compagnie ou toute autre information, aucune photographie ne devait figurer dans la correspondance.
  • La correspondance ne devait pas être affranchie, ni cachetée, mais revêtue des termes « soldiers letter ».
  • Un officier responsable devait contresigner la lettre dans le coin inférieur gauche après en avoir vérifié le contenu et la revêtir de son propre cachet de censure, ces cachets étaient par ailleurs enregistrés et numérotés.ashford2
    La liste des officiers est donnée ce dessous, le responsable médical est encadré.

chief surgeon

  • Toute lettre ouverte par la censure était refermée avec une étiquette « examined by censor ».

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  • Les lettres de civils travaillant avec l’armée étaient directement remises aux officiers responsables, les lettres des troupes françaises en opération en secteur américain étaient remises à l’autorité française militaire la plus proche.
  • L’usage de la poste civile dans les zones contrôlées par l’armée américaine était interdite.
  • La correspondance à destination de l’étranger devait être directement transmise à la commission de censure, « base censor ».
  • Cette commission de censure, « base censor », pouvait en outre aléatoirement vérifier le courrier.

Ainsi donc les membres de l’armée américaine n’avaient pas de franchise à proprement parler et devaient affranchir leur courrier selon les tarifs en vigueur pour toute destination autres que les États Unis.

La correspondance en question

Dans cette lettre qui nous intéresse, on voit le libellé de l’adresse « Burberrys, 8 et 10 boulevard Malesherbes, Paris » écrit de la main même de Bailey K. Ashford.

Celui-ci, colonel responsable du service médical, a contresigné le courrier avant d’y apposer son propre cachet de censure (n°41) du camp de Gondrecourt, rattaché au QG de l’AEF situé à une vingtaine de kilomètres, à Chaumont. Affranchie et oblitérée par le cachet de l’armée américaine en opération (« US Army Postal Service ») pour une destination autre que les États Unis, la lettre fut directement transmise à la « base censor », qui l’ouvrit et la contrôla avant de la refermer avec une étiquette idoine et d’autoriser sa distribution.

L’affranchissement de ce courrier fut réalisé selon les tarifs en vigueur comme une lettre pour l’étranger dont l’affranchissement est réalisé ici avec une vignette à 25 centimes.

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Burberrys

Comme souvent la petite histoire s’immisce dans l’Histoire. Que pouvait bien transmettre Ashford à Burberrys ? Une commande ? Un accusé de réception ? Seule une hypothétique archive parisienne pourrait le dire car les magasins, déjà célèbres, existent bien évidemment encore et toujours à la même adresse parisienne.

Burberrys cependant en 1917 avait moins d’articles en vente et l’essentiel de ses affaires en 1917 était tourné vers le manteau de tranchée, le fameux « trench coat ». C’était un lourd manteau de serge, dessiné en 1914 par Thomas Burberry pour répondre à la commande par l’armée d’un manteau imperméable pour les officiers.

On peut imaginer qu’Ashford (qui avait passé une très grande partie de sa vie à Porto Rico), voyant l’automne arriver et avec lui les intempéries caractéristiques du Nord de la France, a eu besoin de se protéger avec un équipement adapté, comme en témoigne une annonce publicitaire de 1917 :

burberrys

Sources 

Sur l’AEF

United States Army in the World War, 1917-1919, Library of Congress Cataloging-in-Publication Data (Revised for vol. 16)

Brief History of divisions, US Army 1917, 1918, Army Command & General Staff College, Combined Arms Research Library, 250 Gibbon Avenue, Fort Leavenworth, KS, 66027-2314

http://history.army.mil/

http://warchronicle.com/units/US/1st/red_one

http://www.newrivernotes.com/topical_history_ww1_americanbattlecasualities.htm

https://fr.wikipedia.org/wiki/United_States_Army#Premi.C3.A8re_Guerre_mondiale

Sur l’arrivée à Saint Nazaire

La Loire-Atlantique et la Grande Guerre dans les collections photographiques et cinématographiques de l’ECPAD (1915-1919), archives de la SPCA

Sur Bailey K Ashford

Biografia de dr bailey Ashford, http://www.galenusrevista.com/Copyright-2012-c-Galenus-Revista.html (entre autre)

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