Armée d’Orient après l’armistice, secteur postal 505, dans le tarif du 1er juin 1921

Le secteur postal 505  (ex 194) était celui de l’infanterie coloniale, de même que les secteurs 505 A, 505 B, 505 C. Cette infanterie coloniale était :

  • à Florina en juillet 1917
  • à Tourane (?) fin juillet 1917
  • à Brnick en août 1917
  • à Neokazi le 18 novembre 1917
  • à Lescovec en février 1918
  • à Monastir après l’engagement dans la boucle de la Cerna en septembre 1918
  • à Salonique en janvier 1919

Pour autant le secteur n’a pas disparu après l’armistice et on le retrouve encore en 1921, à Constantinople. Outre cet usage très tardif, la lettre ici est affranchie selon le tarif du 1er juin 1921, dernier tarif n’utilisant que les figurines métropolitaines avant l’apparition le 1er août 1921 d’un autre tarif à compter duquel les figurines locales furent utilisables. Notons que ce tarif du 1er juin portait la taxe d’affranchissement de la lettre à 75c, elle revint à 50 c le 1er août.

lettre constantinople 1921 75 c

Affranchissement à 75 centimes (x 3) : lettre 1er échelon.

Service postal de l’armée américaine en France en 1917

Arrivée du contingent américain en France

lettre censure US
19 septembre 1917, camp de Gondrecourt (Meuse), pour Paris, affranchissement à 25c avec cachet de l’armée américaine. Lettre signée Bailey K. Ashford.

Débarquement à Saint Nazaire en juin 1917

Les États-Unis entrèrent dans le conflit le 6 avril 1917 par une déclaration de guerre du Congrès des États-Unis après que l’Allemagne avait mené une guerre sous-marine à outrance qui avait coulé des navires américains. Le président Wilson proclama alors que « L’Amérique [devait] donner son sang pour les principes qui l’ont fait naître ».

Un petit contingent fut symboliquement envoyé en France qui débarqua le 26 juin 1917 à Saint-Nazaire. D’autres débarquèrent à Bordeaux en juillet 1917, enfin à Brest le 12 novembre 1917. Le général Pershing, général en chef de ce détachement américain, insista pour que le corps expéditionnaire restât une armée indépendante des armées britanniques et françaises et dès le 21 octobre, les 14 500 hommes de la 1ère division d’infanterie américaine furent affectés à un secteur – relativement calme – du front, près de Toul.

La 1st Infantry Division avait donc été créée en juin 1917. Elle était placée sous le commandement du Major General Charles P. Summerall, du Lieutenant Colonel Campbell King, du Major H. K. Loughry, Adjutant General.

Les premières unités quittèrent New York City et Hoboken, New Jersey le 14 juin 1917 et arrivèrent en France au plus tard le 2 juillet 1917. Dans le reste de l’année, le reste de la division suivit, débarquant à St. Nazaire, en France et Liverpool, en Angleterre. Après un bref séjour dans les camps de repos, les troupes d’Angleterre débarquèrent à leur tour au Havre. La dernière unité est arrivée à St. Nazaire le 22 décembre. À son arrivée en France, la première division fut rassemblée dans la première zone d’entraînement au camp de Gondrecourt pour l’infanterie, les unités spéciales et les unités médicales ; l’artillerie quant à elle rejoignit le camp du Valdahon.

Le 4 juillet, fête de l’indépendance des États-Unis, des soldats du 2ème bataillon avaient défilé dans les rues de Paris pour soutenir les esprits Français au cri de « Lafayette nous voilà ! ».

Cette première division fut la première division d’infanterie américaine à être créée dans le but de combattre les forces allemandes lors de la Première Guerre mondiale. Elle était formée de 4 régiments d’infanterie (16ème, 18ème, 26ème et 28ème régiments d’infanterie), trois régiments d’artillerie (2nd et 3ème bataillons et 1ère batterie de mortiers) ainsi que d’un ensemble d’unités plus réduites (5ème, 6ème et 7ème divisions d’artillerie de campagne, mais aussi troupes du génie et du train). Au total, cette division comptait près de 28 000 hommes. Elle effectua son baptême du feu le 3 novembre 1917 et vit ses premières pertes dès le 4 novembre.

Camp de Gondrecourt

En juin 1917 arrivèrent dans le sud de la Meuse les premiers éléments de l’AEF pour s’y entraîner. Dans le cadre des accords Baker – Joffre, la 1re division arriva à Gondrecourt-le-Château où des unités combattantes françaises assurèrent l’instruction des unités américaines dans la zone des armées. Une impressionnante infrastructure logistique fut mise en place parfois avec l’aide de l’armée française : baraquements préfabriqués, voies ferrées, dépôts de ravitaillement, parcs d’artillerie, garages, terrains d’aviation, hôpitaux.

Sans titre

Un hôpital de campagne s’installa dans des baraquements à Gondrecourt-le-Château (Meuse), puis, développé, devint le Camp Hospital No. 1, d’une capacité de 300 patients, soignant tous types de cas. En septembre 1917, le Base Hospital No. 18 s’installa à Bazoilles-sur-Meuse (Vosges), et cette formation sanitaire reçut alors les patients du Camp Hospital No. 1.

Cet hôpital était, comme toutes les opérations médicales, sous le commandement d’un physicien et médecin réputé, notamment pour ses travaux en chirurgie et sur les maladies tropicales à Porto Rico, le colonel Bailey K. Ashford, que le général Pershing avait fait venir auprès de lui.

Après un premier séjour en ligne, la 1st division fut relevée le 29 novembre 1917, et regagna la zone de Gondrecourt, où elle resta jusqu’au 15 janvier 1918. Parallèlement à ce camp, un Field Hospital No. 12 se trouvait dans la zone de Vaucouleurs, à Burey-en-Vaux (pour les maladies), un Field Hospital No. 13, à Sauvigny (pour les cas dermatologiques et vénériens). Les malades les plus sérieux étant, quant à eux, évacués sur le Base Hospital No. 66 de Neufchâteau.

Organisation de la poste aux armées

Secteur postal n° 10 de l’armée française

Le secteur postal n° 10 de l’armée française desservit la 10ème Division d’Infanterie jusqu’au 16 février 1917 où il fut remplacé par le secteur n° 41.

Il fut rétabli le 25 Août 1917 à Gondrecourt pour desservir la Division Américaine puis transféré à Chaumont où il desservit aussi la Mission Française auprès de l’Armée Américaine à partir du 4 Septembre 1917. Il fut dissous le 14 Avril 1919.

Courrier pris en charge par l’armée américaine

Les instructions concernant le service postal de l’armée américaine datait de 1881, revues en 1915. Le 1er juillet 1917, par ordre du général Pershing, fut établie la circulaire suivante :

postal agents

Les agents postaux des services postaux de l’armée américaine ne distribueront pas une correspondance qui ne serait pas proprement timbrée avec les timbres de censure. Proprement timbrée avec les timbres de censure, marquée « lettre de soldat » et contresignée par un officier, la correspondance sera, depuis sa base, délivrée à destination, sans prépaiement du port et seulement en simple taxe collectée au moment de la remise.

Ceci complétait les instructions précédentes du 28 juin 1917 :

  • Aucune mention sensible, « dangerous information », géographique ou militaire ou de quelque nature que ce soit, y compris le nom du soldat, sa compagnie ou toute autre information, aucune photographie ne devait figurer dans la correspondance.
  • La correspondance ne devait pas être affranchie, ni cachetée, mais revêtue des termes « soldiers letter ».
  • Un officier responsable devait contresigner la lettre dans le coin inférieur gauche après en avoir vérifié le contenu et la revêtir de son propre cachet de censure, ces cachets étaient par ailleurs enregistrés et numérotés.ashford2
    La liste des officiers est donnée ce dessous, le responsable médical est encadré.

chief surgeon

  • Toute lettre ouverte par la censure était refermée avec une étiquette « examined by censor ».

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  • Les lettres de civils travaillant avec l’armée étaient directement remises aux officiers responsables, les lettres des troupes françaises en opération en secteur américain étaient remises à l’autorité française militaire la plus proche.
  • L’usage de la poste civile dans les zones contrôlées par l’armée américaine était interdite.
  • La correspondance à destination de l’étranger devait être directement transmise à la commission de censure, « base censor ».
  • Cette commission de censure, « base censor », pouvait en outre aléatoirement vérifier le courrier.

Ainsi donc les membres de l’armée américaine n’avaient pas de franchise à proprement parler et devaient affranchir leur courrier selon les tarifs en vigueur pour toute destination autres que les États Unis.

La correspondance en question

Dans cette lettre qui nous intéresse, on voit le libellé de l’adresse « Burberrys, 8 et 10 boulevard Malesherbes, Paris » écrit de la main même de Bailey K. Ashford.

Celui-ci, colonel responsable du service médical, a contresigné le courrier avant d’y apposer son propre cachet de censure (n°41) du camp de Gondrecourt, rattaché au QG de l’AEF situé à une vingtaine de kilomètres, à Chaumont. Affranchie et oblitérée par le cachet de l’armée américaine en opération (« US Army Postal Service ») pour une destination autre que les États Unis, la lettre fut directement transmise à la « base censor », qui l’ouvrit et la contrôla avant de la refermer avec une étiquette idoine et d’autoriser sa distribution.

L’affranchissement de ce courrier fut réalisé selon les tarifs en vigueur comme une lettre pour l’étranger dont l’affranchissement est réalisé ici avec une vignette à 25 centimes.

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Burberrys

Comme souvent la petite histoire s’immisce dans l’Histoire. Que pouvait bien transmettre Ashford à Burberrys ? Une commande ? Un accusé de réception ? Seule une hypothétique archive parisienne pourrait le dire car les magasins, déjà célèbres, existent bien évidemment encore et toujours à la même adresse parisienne.

Burberrys cependant en 1917 avait moins d’articles en vente et l’essentiel de ses affaires en 1917 était tourné vers le manteau de tranchée, le fameux « trench coat ». C’était un lourd manteau de serge, dessiné en 1914 par Thomas Burberry pour répondre à la commande par l’armée d’un manteau imperméable pour les officiers.

On peut imaginer qu’Ashford (qui avait passé une très grande partie de sa vie à Porto Rico), voyant l’automne arriver et avec lui les intempéries caractéristiques du Nord de la France, a eu besoin de se protéger avec un équipement adapté, comme en témoigne une annonce publicitaire de 1917 :

burberrys

Sources 

Sur l’AEF

United States Army in the World War, 1917-1919, Library of Congress Cataloging-in-Publication Data (Revised for vol. 16)

Brief History of divisions, US Army 1917, 1918, Army Command & General Staff College, Combined Arms Research Library, 250 Gibbon Avenue, Fort Leavenworth, KS, 66027-2314

http://history.army.mil/

http://warchronicle.com/units/US/1st/red_one

http://www.newrivernotes.com/topical_history_ww1_americanbattlecasualities.htm

https://fr.wikipedia.org/wiki/United_States_Army#Premi.C3.A8re_Guerre_mondiale

Sur l’arrivée à Saint Nazaire

La Loire-Atlantique et la Grande Guerre dans les collections photographiques et cinématographiques de l’ECPAD (1915-1919), archives de la SPCA

Sur Bailey K Ashford

Biografia de dr bailey Ashford, http://www.galenusrevista.com/Copyright-2012-c-Galenus-Revista.html (entre autre)

Smyrne, 2ème jour du tarif

Le bureau est de Smyrne fonctionna entre 1920 et le 1er mai 1923 en tant que secteur postal « Trésor et Postes 528 ». Bureau militaire tout d’abord, il fut ouvert aux civils à partir de juin 1920. Après le 1er mai 1923 et jusqu’à la fermeture du bureau les timbres furent annulés par une griffe « Postes françaises à Smyrne ».

Depuis 1910, le tarif de la lettre simple était de 25c. Le premier avril 1921, ce tarif passa à 50c, le 25c bleu pouvant évidemment être alors utilisé en paire. C’est le cas sur ce pli, lettre simple avec paire semeuse n°140 en paire, toujours intéressante à regarder car il s’agit du 2ème jour du tarif.

2eme jour tarif smyrne

Affranchissement à 50c, « Trésor et Postes 528 » de Smyrne, le 2 avril 1921

Chemin de fer du Hedjaz

Après de nouvelles informations et découvertes, nous proposons une nouvelle page sur le chemin de fer du Hedjaz et les timbres surchargés qui s’y rapportent. Elle est consultable en suivant ce lien : https://semeuse25cbleu.net/usages-non-postaux-2/chemin-de-fer-du-hedjaz/

hedjaz X3 2:2

Postes belges en France

Après qu’il s’est replié en septembre et octobre 1914 dans le nord de la France et en Normandie, le gouvernement belge au Havre et à Sainte Adresse reçut un privilège d’extraterritorialité. L’une des conséquences de cette extraterritorialité fut que le gouvernement belge put employer ses propres timbres-poste, créant ainsi une « poste belge en France ». Toutefois, cette poste belge en France recouvre deux réalités bien distinctes.

Bureau spécial au Havre et à Sainte Adresse

D’une part, un bureau spécial pour les opérations effectuées au Havre et à Sainte Adresse par des ressortissants belges a utilisé le timbre à date du Havre à partir du 18 octobre 1914. A la fin de ce mois d’octobre, il fut remplacé par un timbre à date spécifique « Le Havre Spécial », qui fut utilisé jusqu’au 14 octobre 1915.

belgique-le havre 1914

Du 15 octobre 1915 jusqu’au 22 novembre 1918, c’est un troisième cachet, bilingue celui-ci, qui fut utilisé.

Opérations postales des Divisions d’armée

D’autre part les opérations postales des unités en campagne (Division d’armée). Ces opérations sont confirmées par des Marques des formations belges en France assurant la franchise.

Il en va ainsi des centres d’Instruction de l’Armée belge qui étaient répartis un peu partout en Normandie et dans le Nord : Avranches, Ardres, Audruicq, Auvours, Bayeux, Carentan, Carteret, Coutances, Criel-sur-Mer, Dieppe, Eu, Fécamp, Gaillon, Granville, Gravelines, Grand Fort Philippe, Honfleur, Saint-Lô, Valognes.

Centre d’instruction de l’armée belge de Saint Lo, 13 mai 1915 : franchise postale accordée aux centres de l’Armée Belge.

Croix Rouge esffb (étiquette verte)

On note l’étiquette verte ES FFB et la bande de censure de l’autorité militaire

D’autres informations sur la page dédiée : Poste belge en France et poste militaire belge

SP 524 : une trace de la présence française à Sofia, Bulgarie, en 1922

Après l’armistice du 23 septembre 1918 avec les Bulgares, puis un peu plus tard avec  les ottomans et les hongrois, les armées françaises ont été déployées de la Croatie à l’Asie mineure, via la Hongrie, la Bulgarie, la Turquie d’Europe. Après le conflit, des instances interalliées ont été créées pour s’efforcer d’organiser la paix, à la suite de la Conférence de la pays de Paris. Un Comité militaire allié de Versailles (CMAV) organisa alors des Commissions militaires interalliées de contrôle (C.M.I.C.), envoyées dans tous les pays vaincus, en vertu de l’article 203 du traité de Versailles, pour veiller à l’application des clauses militaires des cinq traités de la Paix :

  • celui de Versailles avec l’Allemagne (28 juin 1919)
  • de Saint-Germain-en-Laye avec l’Autriche (10 septembre 1919)
  • de Neuilly avec la Bulgarie (27 novembre 1919)
  • de Trianon avec la Hongrie (4 juin 1920)
  • de Sèvres avec l’Empire ottoman (20 août 1920)

Ces CMIC fonctionnèrent jusqu’au 28 février 1927 pour l’Allemagne, jusqu’au 31 mars 1927 pour la Hongrie, jusqu’au 1er juin 1927 pour la Bulgarie. La révision des traités concernant l’Empire Ottoman et la naissance de la Turquie avait donné un statut particulier à la commission chargée d’appliquer le traité de Sèvres.

Parallèlement à cela, des troupes restèrent présentes dans les territoires concernés, jusqu’en 1923 pour Constantinople et Smyrne (le bureau est de Smyrne fonctionna entre juin 1920 et le 1er mai 1923 en tant que secteur postal Trésor et Postes 528, ouvert aux civils. Après le 1er mai 1923 et jusqu’à la fermeture du bureau les timbres furent annulés par une griffe « Postes françaises à SMYRNE ».).

Ailleurs, suivant les troupes, de nouveaux secteurs postaux avaient vu le jour. Pour autant, certains furent repris à l’ancienne série des 500.

Carte postale 1 er avril 1922, tarif UPU 30 c cachet du SP 524 à Sofia.

524 sofia

Ainsi, le SP 513 A correspondait il à la division d’infanterie coloniale en place en Bulgarie. Le SP 524 était à Sofia même. Le SP 520 correspondait à la base de Temeswar (Timsoara aujourd’hui), alors que le 520 B était à Arad, toujours en Roumanie. Plus connu, le 528 était à Smyrne (Turquie), alors que le 528 A était à Constantza (Roumanie). Pour finir, le 530 correspondait à Makri-keuy (Makrikoy – périphérie ouest d’Istanbul et le 530 B à Hadim-keuy (Hadimköy aujourd’hui, nord ouest d’Istanbul).

Reconstitution des secteurs postaux Région Edessa – Monastir (1917-1918)

Secteurs postaux front d'orient Région de Monastir-EdessaOn pourra retrouver le descriptif des secteurs postaux, avec le moment de leur présence sur cette page : https://semeuse25cbleu.net/miscellanees/larmee-dorient/

Croix Rouge, Dardanelles, Charles Roux & Asturias : l’aventure d’un navire hôpital

Fouinant toujours à droite et à gauche, toujours à la recherche de semeuses sur des courriers témoignant de la petite ou de la grande histoire, j’ai vu cette enveloppe :

LSE-Croix-rouge-dardanelles.png

Il s’agit d’une lettre de Paris, boulevard des Capucines pour la Suisse passée par le bureau de contrôle de Pontarlier. Sur le pli, on remarque la présence d’une vignette de bienfaisance de la Croix Rouge, intitulée « Dardanelles ».

Par ailleurs, il y a quelques temps, j’ai mis la main sur ce carnet de timbres de bienfaisance au profit de la Croix Rouge émis dans le but de financer l’affrètement d’un navire hôpital pour les blessés des Dardanelles en 1915. Le site de l’Arc en Ciel, (site de l’Association Française d’Erinnophilie) nous en donne le descriptif.

Numériser

« Carnet de 20 timbres (2 planches de 10 – 2 x 5), sous couverture RH 157 x 115, polychrome, représentant le navire-hôpital « Charles-Roux« . Le navire est peint en blanc avec une large bande verte. Les cheminées sont rouges. Texte en haut : « Croix Rouge française » (en rouge) ;  » Expédition des Dardanelles » (en noir). « Carnet de 20 timbres. Prix 1 franc » (en rouge). En bas à gauche : « Société française de Secours aux Blessés militaires » ; à droite « Siège central Paris, 21 rue François-Ier » (en noir). Cadre tricolore tout autour. A l’intérieur de la couverture, à gauche, texte en noir intitulé « Pour les blessés des Dardanelles« , appel pour la réalisation du navire-hôpital. A droite et au verso, reproduction d’un article de Pierre Loti : « Pour les grands blessés d’Orient » et extrait du « Figaro » du 13 juillet 1915. »

Jusqu’à présent, et depuis mai 1912 les carnets de la Croix rouge représentaient en couverture, soit en sépia soit en couleur un zouave blessé au bras, soigné par une infirmière dans un camp au Maroc. C’est le cas sur cette reproduction à l’occasion de la nouvelle année 1913.

hors collection : carnet 1912

carnet-couverture-zouave

Si on revient au carnet orné d’un bateau, il contient des timbres qui représentent ce même camp de la Croix Rouge au Maroc. Ce qui est loin des Dardanelles, mais on n’en voudra pas à la Croix Rouge de ce tour de passe passe pour la bonne cause.

Zouave-blesse

C’est la vignette de l’enveloppe ci dessus. Mon attention, alors s’est portée sur le bateau représenté. Pourquoi celui-ci plutôt qu’un autre ? Et d’ailleurs pourquoi un navire plutôt que l’habituel zouave ?

Premier navire à turbines français

Ce bateau a été le Charles Roux. Le Charles Roux fut le premier navire à turbines français, à triples hélices. Il était peint en blanc avec une large bande verte. Les cheminées étaient rouges. Construit à Saint-Nazaire, lancé le 25 septembre 1907, il a quitté ce port le 4 juin 1908 pour Marseille.

Construction du Jules Charles Roux, chantiers navals de Saint Nazaire

Charles-Roux-saint-nazaire.png

Après divers réglages, après qu’on a rehaussé les cheminées et repeint la coque en noir, il prit son service sur les lignes d’Afrique du Nord entre Alger et Marseille pour la Compagnie Générale Transatlantique.

Cachet du navire, Compagnie Générale Transatlantique 8 août 1909

Cachet-charles-roux.png

La guerre lui offrit une tout autre carrière. Il fut en effet réquisitionné et, de mars à mai 1915, le « Charles Roux » fut utilisé comme transport du Corps Expéditionnaire aux Dardanelles où il devint le premier navire français à débarquer des troupes.

hors collection : le Charles Roux, non cité mais facilement reconnaissable
Charles-rous-debarquant-les-troupes

Hôpital flottant

De juillet à août 1915, il fut transformé en navire hôpital aux chantiers de Provence de Port de Bouc. Affrété par la Croix Rouge, il servit d’hôpital chirurgical flottant à Moudros, non sans qu’une collecte de fonds ait été nécessaire pour financer cette opération. D’où les fameux carnets sans doute.

Un navire hôpital s’il voulait être reconnu comme non belligérant devait se conformer à certaines dispositions de la convention de Genève en arborant de grandes croix rouges sur une coque généralement peinte en blanc. De plus, on pouvait distinguer les navires-hôpitaux civils (coque blanche ornée de croix rouges, avec une large bande rouge) et les navires hôpitaux militaires (coque blanche ornée de croix rouges, avec une large bande verte).

C’est ce que nous montre cet autre carnet de timbre au profit de la croix rouge :

Charles-roux-bande-rouge

Le passage d’une couverture de carnet à l’autre semble bien témoigner de la volonté d’afficher le statut civil ou militaire, or l’hôpital flottant à Moudros était militaire comme en témoignent les griffes de l’hôpital chirurgical flottant du C.E.O.

Griffe de l’hôpital chirurgical flottant du Corps Expéditionnaire d’Orient

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Mention écrite de l’hôpital chirurgical flottant Charles Roux
du CEO avec cachet Trésor et Postes SP 196564_001

Asturias et Charles Roux : deux navires hôpitaux dans la guerre

Pour autant ceci ne garantissait pas complètement le navire. En effet un navire-hôpital qui serait utilisé, même partiellement, dans des opérations militaires (transport de troupes, de matériel etc.) perdrait son statut de non-belligérant. C’est ce que nous rappelle l’histoire de l’Asturias.

Hors collection : carte postale colorisée de l’Asturias, vers 1912
asturias.png

L’Asturias, lancé lui aussi en 1907, à Southampton, avait été réquisitionné pour le transports de blessés britanniques de France du Havre vers Southampton, dès août 1914 par la Royal Navy. En 1915, il rapatria les blessés de Méditerranée pour la campagne franco-britannique des Dardanelles et de Salonique mais aussi d’Égypte.

Hors collection : l’Asturias repeint aux couleurs
d’un navire hôpital orné de plusieurs croix rouges

Asturias repeint

Le 20 mars 1917, alors que le bateau avait débarqué à sa dernière escale d’Avonmouth en Cornouailles les blessés d’Orient et qu’il faisait route vers son port d’attache, avec à son bord les membres d’équipage et quelques médecins et infirmières, il fut touché par deux torpilles lancées par un sous marin allemand, tuant le capitaine, 1 infirmière et 12 aides soignantes. L’Asturias s’échoua finalement sur une côte du Devon où il demeura un temps avant d’être remorqué sur ordre de l’Amirauté jusqu’à Plymouth pour en faire un dépôt de munitions jusqu’à la fin de la guerre.

L’histoire n’en resta pas là. Le naufrage provoqua une vague d’indignation, à laquelle la marine allemande répondit que l’Asturias ne transportait aucun blessé au moment de la rencontre et qu’il n’était donc plus non-belligérant.

La liste des Navires hôpitaux britanniques détruits est longue : pas moins de 16 navires en principe non belligérants furent ainsi touchés, avec ou sans autorisation, faisant pas moins de 650 victimes non combattantes. C’est là, dans cette indignation, sans doute, qu’il faut chercher l’origine du projet du dessinateur de ce timbre bien connu des philatélistes.

Infirmieer-tipbre

Ce timbre de 15 centimes + 5 centimes au profit de la Croix-Rouge française est unique dans son grand format horizontal. Dans un décor théâtral, au travers d’une colonnade on distingue sur la droite de la gravure, une infirmière passant devant une ambulance (dans un lazaret non identifié) et sur la gauche un navire hôpital que l’on dit être l’Asturia (sic!).

Il a déjà été remarqué en 2011 dans Timbres magazine, qu’il ne pouvait pas s’agir de l’Asturias, mais sans pour autant identifier le navire. En effet l’Asturias n’était doté que d’une seule cheminée, ce que chacun peut vérifier aisément. Et d’ailleurs, pourquoi avoir voulu prendre l’Asturias plus qu’un autre comme modèle ? Pourquoi avoir voulu retenir un navire hors service au moment de l’émission de ce timbre ? On serait plus prudent en faisant le pari de l’allégorie du navire hôpital. Et cette allégorie, en fait, on s’en doute, est inspirée directement du Charles Roux déjà représenté sur tous les carnets au profit de la croix rouge.

Ceci donnant tout son sens aux vignettes et aux couvertures des carnets de vignettes au profit de la Croix Rouge, avant que les timbres poste eux aussi au profit de la Croix Rouge ne soient émis. Il fallait une certaine continuité.

Le Charles Roux et l’Asturias après la guerre

A partir du 4 décembre 1916, le Charles Roux fut utilisé comme croiseur auxiliaire pour l’armée d’orient jusqu’au 16 décembre 1918. En 1921, il reprit du service pour la CGT, toujours en Méditerranée, puis subit des aménagements de juillet 1929 à mars 1930 (cheminées raccourcies, turbines changées, puissance réduite). Au début de 1935, la CGT l’utilisa sur la ligne Casablanca Bordeaux, avant de l’envoyer au Havre où il devait assurer des liaisons sur la mer Baltique. Le projet toutefois n’aboutit pas et le navire fut désarmé à Dunkerque à partir de décembre 1936 et durant toute l’année 1937.

L’Asturias quant à lui fut renfloué en 1921, envoyé à Belfast où il fut transformé en 1922 et il reprit du service comme navire de croisière, en mer du Nord, en Atlantique, en Méditerranée sous le nom d’Arcadian II. Les voyages de luxe et les croisières ayant été très affectés par la crise des années 1930, l’Asturias – Arcadian II est resté à quai à Southampton de 1930 à 1933, date à laquelle il fut démoli.

Un second navire de ce nom, l’Asturias II, fut mis à flot en 1925. Il assurait la liaison avec l’Amérique du Sud. Ce navire est celui des affiches de la Royal Mail. Il fut réquisitionné à son tour pendant la Seconde Guerre mondiale et transformé en croiseur auxiliaire. Torpillé en 1943, il fut abandonné jusqu’en 1945. Renfloué, réparé à Belfast, il reprit du service dès 1946 vers l’Australie et ce jusqu’en 1952. A cette date il fut converti en transporteur de troupes jusqu’en 1957 quant il fut vendu pour être démoli.

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Certaines pièces de teck de l’Asturias II furent adaptées en mobilier de jardin par Hughes et Bolckow et on peut en voir encore beaucoup aujourd’hui en Angleterre. Toujours pour l’anecdote, avant d’être totalement démonté, l’Asturias II fut utilisé à bâbord comme décor du film A night to remember (en français : Atlantique, Latitude 41°) pour représenter le Titanic dans les scènes de vie alors que les ouvriers officiaient à tribord. Et la démolition n’a été achevée qu’une fois le tournage terminé.

CHARLES ROUX Navire hôpital (1916 – 1917)

charlesroux

Chantier :

Chantiers et Ateliers de Penhoët, Saint Nazaire
Commencé : 1906
Mis à flot : 1907
Livré : en juin 1908
Entrée en flotte : retardé pour réglages et modifications aux machines, en 1909 ligne d’Afrique du Nord. C’est le premier navire à turbines français.
En service (MN) : 04.02.1916
Retiré : 14.03.1917
Caractéristiques : 4 104 tjb ; 10 000 cv ; 3 hélices ; 116,32 x 13,9 m ; 20 nds ; 1 049 tpl

Observations :

Paquebot de la Cie Générale Transatlantique (CGT)
1914 – 1916 : transport de troupes
03.1915 – 05.1915 : utilisé comme transport de troupes puis transformé en navire-hôpital.
Sert d’hôpital flottant à Moudros mais n’est pas utilisé pour transporter des blessés.
03.1916 : rendu à la Transat et placé en réserve.
12.1916 : réquisitionné de nouveau et utilisé comme transport de troupes puis comme croiseur auxiliaire jusqu’en décembre 1918.
04.12.1916 au 14.03.1917 : réquisitionné
1916 – 1917 : navire hôpital
1917 – 1918 : transport de troupes
1919 : rayé
06.1921 : reprend son service à la Transat, après une longue remise en état.
1935 : désarmé
10.1936 : vendu pour démolition
1937 : démoli à Dunkerque


Armée d’Orient… quelques courriers et images

L’exprès pour Genève du 22 février 1921

Cette lettre de la Représentation diplomatique de la République Géorgienne à Paris est classique en apparence mais elle porte les traces d’une histoire trouble, d’une République géorgienne « coincée entre la faucille et le croissant », qui devait s’écrire dans l’urgence, mais que même un recommandé en exprès ne changea pas, comme nous allons tenter de le voir.

exprès genève

Elle est adressée à Monsieur Chavichvili, représentant de la Géorgie à la Société des Nations, à Genève, le 22 février 1921 par la représentation diplomatique de la République géorgienne à Paris, située avenue Victor Hugo. La composition de l’affranchissement est accord avec l’objet : il s’agit d’une lettre pour l’étranger, affranchie à l’aide de deux semeuses camées à 25c, l’une pour le port de la lettre, l’autre pour la taxe de recommandation à 25c. Le port en exprès à 30c est matérialisé par deux semeuses lignées à 15c, ce qui correspond parfaitement au tarif de l’époque, celui qui était en place depuis le 1er mai 1910. Le cachet du bureau de poste de l’avenue Victor Hugo s’accorde en outre totalement avec l’adresse de la Représentation diplomatique, laquelle était située au 44 de cette même avenue. Nous sommes donc bien en présence d’une lettre recommandée en exprès de Paris pour Genève et ce n’est donc pas sur ce plan qu’il faut chercher ce qui rend cette lettre remarquable. Ce qui la rend remarquable, c’est l’intervalle de temps pendant lequel elle a été postée. Car, en fait, tout ici est dans la date et on va voir que l’exprès était particulièrement souhaité, mais qu’il ne servit sans doute pas.

Mais d’abord le contexte. La Géorgie, placée sous l’autorité de la Russie depuis 1801, proclama son indépendance le 26 mai 1918, à la faveur de la Révolution russe et de l’invasion allemande. Toutefois, elle dut céder à l’Empire ottoman les territoires peuplés de minorités musulmanes. Une Assemblée constituante fut réunie en 1919 et approuva une Constitution le 22 février 1921. Or, entre temps, les Allemands avaient perdu la guerre et les autorités communistes russes avaient pris l’offensive en vue de reconquérir le Caucase.

En effet, sous la pression de Staline, d’origine géorgienne, cette indépendance fut remise en cause par Lénine le 14 février 1921 lorsqu’il donna l’ordre d’envahir la Géorgie pour soutenir les «paysans et les travailleurs révolutionnaires» dans le pays. Ce qui fut fait dès le lendemain, 15 février.

Le 21 février, en marge de la Conférence de Londres qui venait de s’ouvrir pour s’occuper des affaires allemandes et du problème oriental, un accord était trouvé entre la Turquie et la Russie soviétique. Car celle-ci ne voulait pas envahir seule ce pays : elle promit à la Turquie de lui céder deux provinces qui avaient été intégrées dans l’Empire russe après la guerre russo-turque de 1877-1878, par le traité de San Stefano afin de l’inciter, par intérêt, à s’unir à elle pour soutenir l’occupation de la Géorgie. Ainsi, pendant que les troupes géorgiennes combattaient les Russes, les Turcs envahissaient le territoire le 23 février. Tbilissi fut prise le lendemain, 24 février, par les soviétiques et la République socialiste soviétique de Géorgie fut proclamée le 25 février 1921. Toutes ces tractations ont par ailleurs été confirmées en octobre de la même année au traité de Kars. Et entre la proclamation de la Constitution et la chute du régime, il s’était donc passé trois jours.

Revenons en donc à notre lettre adressée au représentant de la Géorgie à Genève. Devait il annoncer la nouvelle Constitution ? Rechercher le soutien des puissances occidentales contre les soviets et les turcs en avertissant ces mêmes puissances de la menace qui pesait sur la Géorgie ? Annoncer l’invasion des turcs qui ne se limitaient donc pas à renégocier le traité de Sèvres à Londres mais agissaient bel et bien. Il s’est passé trois jours pendant lesquels le gouvernement géorgien a tenté, en vain, de rechercher l’appui de l’occident pour s’opposer et à la Russie soviétique et à la Turquie. Et c’est dans l’urgence de ces trois jours que fut postée notre lettre. Ce qui justifiait largement cet envoi recommandé international en exprès, mais même s’il fût averti assez tôt, le représentant géorgien ne put infléchir le cours de l’histoire.