Bureaux de l’Empire ottoman

Les échelles du Levant sont les ports et les villes de l’Empire ottoman, situés au Proche-Orient ou en Afrique du Nord, pour lesquels le sultan avait renoncé à certaines de ses prérogatives, notamment en matière juridique, en faveur de négociants français. Ceux-ci dépendaient alors directement du roi de France qui leur octroyait des privilèges. Ces échanges entre les deux puissances ont été enregistrés dans des actes particuliers, sous le nom de Capitulations, dont les premières ont été signées entre François Ier et Soliman le Magnifique en 1536.

Le terme échelle vient du turc iskele, mot qui désigne les espèces de jetées sur pilotis construites avec quelques marches, et d’où l’on embarquait et débarquait les marchandises. Les échelles permirent à la France et à Marseille en particulier de connaître une grande prospérité à partir de la seconde moitié du XVIe siècle. Cette activité commerciale a décliné jusqu’à s’interrompre avec la Révolution. Le premier XIXème siècle ne permit pas aux Français de retrouver la vitalité commerciale qui était la leur au Levant : ils avaient été supplantés par les Britanniques qui imposaient alors leur contrôle sur la région du Proche-Orient.

Ce sont ces échelles qui ont en quelque sorte été réinventées avec les bureaux de poste du Levant à partir du milieu du XIXème siècle.

En 1812  la France commença à installer des bureaux de poste à l’étranger et plus particulièrement dans le Levant. Les premiers bureaux crées, furent ceux de Constantinople (1812), d’Alexandrie (1830), des Dardanelles (1835) et de Beyrouth (1845). Cette implantation était essentiellement destinée à faire à la carence des postes locales et à favoriser les relations postales indispensables à la bonne marche des entreprises et des commerçants français et européens installés dans les principaux ports du pourtour méditerranéen. A la suite du développement de la Compagnie des Services Maritimes des Messageries Nationales (devenue en 1853 Compagnie de Navigation des Messageries Impériales puis Compagnie des Messageries Maritimes en 1871), les bureaux se multiplièrent. Ils furent installés dans les ports desservis par la compagnie, d’abord en Méditerranée puis les bords de la mer Noire et enfin vers l’Extrême Orient en Chine et au Japon.

On peut mesurer la puissance des Messageries en quelques chiffres : de 16 navires en 1851 elles passent à 62 en 1901 dont pas moins de 10 navires sur la ligne Marseille Extrême-Orient, bimensuelle. « Durant six générations le pavillon blanc et rouge aux lettres noires a flotté aux mâts des Messageries Maritimes, connues et appréciées sur tous les continents. Les 383 navires de la flotte portaient aussi le nom de leur port d’attache, qui reste lié, dans la mémoire du monde, à l’élégance de leurs formes et au charme de leur pratique. Pour le plus grand nombre ce nom était Marseille…  » (Paul Bois, Le grand siècle des Messageries Maritimes)

Concernant les bureaux, les cinq premiers furent créés entre 1830 et 1849. Il s’agit d’Alexandrie, des Dardanelles, de Smyrne, de Constantinople et de Beyrouth.

Les bureaux français se divisaient en plusieurs catégories :

1- Les Bureaux de Recette, autorisés à effectuer toutes les opérations postales, y compris émission et paiement de tous mandats, quelle que soit la somme envoyée ou reçue.

2 – Les Bureaux de Distribution qui ne pouvaient émettre ou payer de mandats que jusqu’à 500 F. ou 50 F. selon leur importance.

3 – Les Bureaux de Distribution n’ayant qu’un service réduit et gérés par des agents de la « Compagnie des Messageries maritimes » (Cavalle – Dedeagh – Port-Lagos et Vathy).

Tous les bureaux du Levant en territoire ottoman furent fermés le 30 septembre 1914, ceux de Grèce le 31 octobre 1914. Seuls, Rhodes en Mer Égée, Alexandrie et Port Saïd en Égypte continuèrent leur service.

En 1919, quelques bureaux du Levant reprirent leur activité pour la poste civile.

Smyrne a fermé définitivement  en juin 1923, les bureaux de Constantinople en septembre 1923 et Rhodes le 1er septembre 1924. Les derniers bureaux français fermèrent définitivement le 20 mars 1931 (Alexandrie et Port Said)

En 1857 la desserte postale par les Bureaux français fut étendue à la mer Noire et à la mer Égée. De cette année là, date l’ouverture des Bureaux suivants :

Varna Bureau de Distribution  ouvert en novembre 1857,  fermé en août 1876

Galatz  Bureau de distribution, ouvert en novembre 1857,  fermé le 15 janvier 1875

Ibraila  Bureau de distribution, ouvert en novembre 1857,  fermé en janvier 1875

Sulina Bureau de distribution, ouvert en novembre 1857,  fermé en avril 1879

Tulscha Bureau de distribution, ouvert en novembre 1857,  fermé en avril 1879

Quelques bureaux sont de création plus tardive, en ce qui nous concerne :

Kustendje (bureau de recette fut ouvert le 1er septembre 1869 et fermé en avril 1879)

Cavalle : Bureau de distribution, ouvert en janvier 1874, fut fermé en août 1914

Crète : Six bureaux de distribution ont été ouverts en 1897 à La Canée et à Candie ainsi qu’à Hierapetra, Rethymno, San Nicolo et Sitia. Hierapetra, San Nicolo et Sitia ont fermé en 1899, Les trois autres en 1913 après l’intégration définitive de l’île avec la Grèce, dont l’union avait été prononcée en 1908.

Dedeagh : Bureau de distribution fut ouvert le 1er janvier 1874 et fermé le 16 avril 1915

Enos : ouvert en janvier 1874, fut fermé en avril 1875

Lagos devenu Port-Lagos : Bureau de Distribution a fonctionné à Lagos à deux reprises : de janvier 1874 à avril 1875 sous le nom de Lagos et de 1880 à 1898 sous le nom de Port-Lagos

Métélin (Mytilène) : bureau de distribution, ouvert en septembre 1852, fut fermé en avril 1872

Rhodes (Bureau de Distribution, ouvert en septembre 1852, fonctionna jusqu’à septembre 1887. Fermé, puis ouvert de nouveau en janvier 1896 il devint Bureau de Recette vers 1911-1912, il fut fermé définitivement en septembre 1924)

Salonique (deux bureaux, l’un,  bureau de distribution, ouvert à la fin de 1856 devenu en bureau de recette le 1er janvier 1880, l’autre bureau de recette, annexe du bureau principal, fut ouvert en 1889 ; tous les deux fermés en 1914

Vathy : Bureau de distribution, ouvert en 1893, fermé en août 1914

Volo (ouvert de 1879 à 1881)

Castellorizo relève de l’occupation française à l’issue de la Première Guerre mondiale et n’a pas d’existence philatélique française après le traité de Sèvres et la cession du territoire à l’Italie en 1920.

Les bureaux du Levant sont dans la continuité des Échelles du Levant. En 1857, la desserte postale par les Bureaux français fut étendue à la mer Noire et à la mer Egée. Regroupement d’une cinquantaine de bureaux français disséminés dans le bassin de la Mer Noire et actifs au cours de la Seconde moitié du XIXème siècle, les bureaux du Levant situés dans l’Empire Ottoman ont fermé en 1914.

Ineboli , ouvert en 1857, supprimé en août 1876

Kerassunde Bureau de Distribution ouvert en août 1857, peu après la mise en service de la ligne de Trébizonde. Il fonctionna jusqu’à août 1914

Ordou Bureau de distribution fut ouvert en mai 1869, en remplacement de celui de Sinope. Il fut supprimé en août 1876

Samsoun ouvert en novembre 1857, en coïncidence avec la mise en service de la ligne maritime Constantinople fermé en 1914

Sinope : Bureau de distribution fermé en mai 1869

Smyrne : Ouvert une première fois en 1812-1813, fut remis en service le 1er mai 1837 et poursuivit son activité jusqu’au mois d’août 1914. Il réouvrit en 1919 et fut définitivement fermé en 1923

Trébizonde : Bureau de Distribution, ouvert en novembre 1857, fonctionna jusqu’au mois d’août 1914

Rodosto, remplaçant de Gallipoli en 1872, supprimé définitivement en août 1876

Mersina : ouvert à la fin du mois d’août 1852; il fut converti en bureau de recette (ou direction) aux environs de 1891. De nouveau, bureau de distribution en 1911, il fut fermé en août 1914

Certains (bureaux de Constantinople et de Smyrne) reprirent leur activité à partir de 1919 et bénéficièrent de figurines surchargés en monnaie locale (para et piastre). Un service spécial a fonctionné pour les villes situées en bordure de la Mer Noire (Samsoun, Trébizonde , Kerassunde).

Le Levant a été doté de figurines spécifiques. La principale caractéristique de ces timbres-postes des bureaux du Levant étant la simple surcharge sans aucune indication géographique.

Ces timbres ont été utilisés à Constantinople à partir de juillet 1921 et ont fonctionné temporairement à Rhodes par manque de timbres. A noter que trois timbres le 25 centimes, le 50 centimes et le 1 franc ont été envoyés par les autorités de Port-Saïd pour être utilisés en Éthiopie : ils se distinguent des autres timbres du Levant en ceci qu’ils ne sont pas surchargés, l’Éthiopie ne reconnaissant pas la piastre.

Bureau de Recette ouvert aux Dardanelles dès 1835 (ouverture de la ligne maritime). Converti en Bureau de Distribution le 1er janvier 1880. Fermé en 1914 rouvert en 1919 jusque en 1923

En 1852, de nouveaux Bureaux de poste furent ouverts dans les principaux ports de la Méditerranée desservis par les Messageries. Ce fut le cas de Gallipoli, bureau de distribution supprimé en 1872, remplacé par Rodosto.

Trois Bureaux Français furent ouverts à Constantinople :

1°) Constantinople – Turquie :  Bureau principal de Recette (ou de Direction). Il aurait été ouvert une première fois pendant quelques mois, dès 1799 plus sûrement de mai 1812 à la fin de 1813. Ouvert, de façon définitive à partir du 1er mai 1837, ce qui correspond, d’ailleurs, à la date d’ouverture de la ligne de paquebots du Levant . Ce Bureau était situé dans le quartier de Pera dont il prit la dénomination (Pera) en 1902. Il fut fermé en août 1914. On peut cependant noter sa réouverture temporaire de 1919 à 1923, à l’issue de la première guerre mondiale.

2°) Constantinople – Galata : Bureau succursale de recette, ouvert de 1879 à août 1914 puis de 1919 à 1923.

3°) Constantinople- Stamboul : Bureau succursale de Recette, ouvert de 1880 à août 1914 puis de 1919 à 1923).

Pour tous ces bureaux français dans l’Empire Ottoman, on se gardera bien de toujours distinguer les périodes d’avant guerre et d’après guerre, d’utilisation civile ou militaire.

Alexandrette : Bureau de poste français d’Alexandrette fut créé en octobre 1852 sous la forme d’un Bureau de Distribution. Ce Bureau fut fermé en 1889, durant quelques années, mais il fut rouvert en 1893 sous la forme d’un Bureau de Recette (ou de Direction). Sa fermeture définitive intervint en août 1914

Beyrouth : Bureau de Recette (ou de Direction) fut ouvert dans ce port au mois de novembre 1845. Le Bureau Français de Beyrouth poursuivit son activité jusqu’au mois d’août 1914

Jaffa (Tel-AvivJaffa) : Bureau de recette créé en 1852. Sa fermeture intervint en août 1914

Jérusalem : Ouvert de 1846 à 1914

Lattaquie : Bureau de Distribution, ouvert à la fin d’août 1852, fut converti en Bureau de Recette en 1894, puis fermé en août 1914

Rouad : Situé au large de la côte syrienne et occupé en 1915 pour assister le corps expéditionnaire français à destination de la Syrie. La marine française ouvrit un bureau militaire le 12 janvier 1916, tandis que le bureau de poste civil ne sera ouvert que le 22 mars ou le 12 mai. Ces bureaux furent fermés en 1922 et reçurent 1200 séries de timbres du Levant de 5c, 10c et 1pi sur 25c. Rouad fut ensuite rattaché au Territoire des Alaouites.

Tripoli de Syrie : Bureau de Distribution fut ouvert en septembre 1852 ; il fut converti en Bureau de Recette (ou Direction) en 1890, puis divisé vers 1896 en  «Tripoli – Marine» dont le Timbre à Date porte la légende « Tripoli » et qui était le siège du bureau de Recette et  «Tripoli – Ville», simple Bureau de Distribution avec la légende  «Tripoli – Ville». Les deux bureaux furent fermés en août 1914

L’action française en Syrie a connu, elle, un tout autre destin. Reconnue après la fin de la campagne de Cilicie par la Turquie, cette présence englobait tout le littoral syrien de Tyr à Alexandrette, lequel était donc administré par la France depuis Beyrouth.

Le Grand Liban faisait aussi partie de la Syrie sous mandat français. Le 1er septembre 1920 il fut proclamé indépendant et la France reçu officiellement mandat en date du 29 septembre 1923. Il a reçu ses propres timbres en janvier 1924 et devint la République Libanaise en 1926.

La région côtière de l’actuelle Syrie dont la ville principale est le port de Lattaquié devint le 31 aout 1920 le territoire des Alaouites (incorporé à la Fédération syrienne). Le territoire est officiellement passé sous mandat français le 29 septembre 1923. Il a reçu ses propres timbres en janvier 1925 et fut finalement rattaché à la Syrie en 1936.

Le premier bureau fut ouvert à Alexandrie dès 1830. Ce Bureau fut transformé en Bureau de Direction dès le 1er Mai 1837 .
Une circulaire du 21 Février 1844 annonça la prochaine ouverture de la ligne directe de paquebots : «Marseille – Alexandrie» (via Malte); cette ouverture devint effective dès le mois de Mars, avec un départ d’Alexandrie du paquebot « Osiris » le 20 Mars. A partir du 4 octobre 1851, la ligne d’Égypte fut prise en charge par la société des Messageries Nationales. Puis, en 1862, l’escale intermédiaire de Malte fut transférée à Messine. La fréquence normale des traversées entre Marseille et Alexandrie était de deux voyages par mois. Fermé en 1931.

Les autres bureaux sont de création plus tardive :

Suez (bureau de distribution, ouvert en novembre 1862, fut converti en bureau de recette en 1874 , puis supprimé en décembre 1888),

Le Caire  (bureau de distribution, ouvert en novembre 1865, fut converti en bureau de recette vers 1872, avant d’être fermé en mars 1875),

Port-Saïd (bureau de distribution, ouvert en juin 1867, fut transformé en bureau de recette en janvier 1894 et fonctionna  jusque en mars 1931).

A partir de 1880, une ligne de paquebots français a fonctionné chaque semaine entre Tunis et Tripoli de Barbarie, en coïncidence avec la service existant entre Marseille et Tunis. Des bureaux de poste français avaient été créés en même temps dans les escales de la nouvelle ligne, à savoir : à Sousse, Monastir, Mehdié, Sfax, Djerba (Tunisie) et à Tripoli (Tripolitaine). Après la conquête de la Tunisie en 1881, le seul bureau de Tripoli resta en dehors de la colonie.

Par décret du 26 mars 1886, à partir du 1er avril 1886, les conditions de tarif ou autres auxquelles sont soumis les objets de correspondance de toute nature, circulant à l’intérieur du territoire français, sont applicables aux échanges établis ou à établir entre la France et l’Algérie, d’une part, et les bureaux français en Tunisie et à Tripoli de Barbarie ; d’autre part, entre les bureaux français de Tunisie et le bureau français de Tripoli de Barbarie, ainsi que de bureau français à bureau français à l’intérieur de la Tunisie, mais rattaché au bureau de Tunis.

Les timbres français de métropole, non surchargés, y sont seuls utilisés.

Tableau récapitulatif des bureaux de l’Empire ottoman :

Recap bureaux du levant

NB : la date indiquée après le nom du bureau correspond à l’année de fermeture de celui-ci.