Marques des bureaux payeurs et des secteurs postaux

Au début de la guerre, le bureau payeur avait un rôle important dans l’organisation postale militaire, mais son numéro administratif ne correspondait ni à une adresse ni à un regroupement d’unités. Les armes d’un même commandement étaient souvent réparties sous différents bureaux payeurs. Chaque jour, 30 000 objets finissaient au bureau des Rebuts (Strowski, p.9). Une première amélioration a été l’envoi direct des lettres et paquets au Bureau Central Militaire (BCM) à Paris. Cependant, la création des secteurs postaux, proposée par M. Marty et validée par décret le 11 décembre 1914, a vraiment changé le système. Ces secteurs ont commencé le 15 décembre.

Les 154 bureaux payeurs furent alors remplacés par 154 secteurs postaux, chacun correspondant à une circonscription. Contrairement à une zone géographique, un secteur postal regroupait des troupes et possédait une administration financière et postale. Son numéro unique suivait les troupes en campagne, constituant une « adresse mouvante mais constante ». À ces secteurs, d’autres numéros furent ajoutés, sans lien apparent avec les divisions.

Les quartiers généraux de corps d’armée ont reçu des numéros de secteur postal, le numéro 1 étant attribué au Grand Quartier Général (GQG). Certaines unités, comme les travailleurs territoriaux, restaient fixes mais étaient rattachées aux secteurs des divisions. Ce système entraînait des changements d’adresse fréquents. En août 1916, les secteurs furent stabilisés. Un secteur surchargé ou trop vaste était divisé, et chaque sous-secteur recevait une lettre (A, B, C) en plus du numéro.

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Pendant la guerre, la France avait deux tarifs postaux. En 1910, la carte postale coûtait 5 centimes, et la lettre intérieure 10 centimes, avec une taxe de recommandation de 25 centimes. Le 1er janvier 1917, le tarif de la lettre simple passa à 15 centimes, tandis que celui de la lettre de 20 à 50 grammes devint 25 centimes. La taxe de recommandation resta inchangée. Concernant les tarifs pour l’étranger, le tarif du 1er mai 1910 a duré jusqu’au 31 mars 1921, soit onze ans, ce qui est exceptionnel.
Retrouver les usages du 25c bleu est donc tout à fait pertinent, même si la recherche est naturellement restreinte par l’existence d’une franchise postale et par certaines conditions : les prisonniers de guerre ne pouvaient pas envoyer de recommandés, par exemple.

I – Cachets primitifs des bureaux payeurs de 22mm

Sous leur apparente uniformité, ces cachets, dont la forme générale était née à la fin du siècle précédent au moment des grandes manœuvres, présentent néanmoins de petites différences.

A – Cachet des bureaux payeurs

Bureau de payeur Trésor et Poste 117, pour Chaville, 29 novembre 1914, empreinte classique en noir, lettre recommandée 1er échelon 10 c + 25 c

Avant décembre 1914, certains cachets militaires avaient un centre évidé, sans jour, mois ni année, pour répondre à des contraintes pratiques ou logistiques, notamment dans les Bureaux de Payeur très sollicités. Ces cachets simplifiés, courants dans des secteurs spécifiques, permettaient de gagner du temps, mais les marques datées étaient alors plus rares. Après le 25 décembre 1914, l’usage exclusif de cachets datés fut imposé, marquant la fin de cette pratique et une transition vers plus de standardisation.

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Trésor et Poste 107, pour Le Raincy, 25 novembre 1914,
chiffre gras, centre évidé (sur étiquette), chiffre maigre avec dateur sur timbres

B – Cachets des secteurs postaux à partir du 15 décembre 1914

Après le 15 décembre 1914, les cachets militaires furent standardisés pour inclure un numéro de secteur postal spécifique, facilitant l’identification des zones d’origine des courriers. Les anciens cachets plus petits furent petit à petit remplacés par des estampilles élargies de 27 mm, offrant une meilleure lisibilité et une organisation plus claire. Tandis que les anciens tampons furent réaffectés à des usages administratifs et comptables, les nouveaux étaient exclusivement réservés aux opérations postales militaires. Ces modifications visaient à améliorer l’efficacité logistique tout en limitant les informations exploitables par l’ennemi, notamment par la suppression ou la simplification de certains détails, comme le bloc central (date) ou le numéro de secteur dans certains cas.

1915-sp-47
Trésor et Poste 47, pour Bienne, Suisse, 5 septembre 1915, empreinte classique en noir
Trésor et Poste 56, pour Genève, Suisse, 17 octobre 1915, empreinte classique en noir chiffres gras
1915-sp-114
SP 114, pour l’Île Maurice 6 août 1915, mois en lettres italiques
1915-sp-103-png
SP 103, 20 septembre 1915, mois en chiffres arabes.

II – Cachets circulaires de 27 mm

Ce cachet est le plus répandu, dès 1915, dont la forme générale rappelle celle de la poste civile. TRESOR et POSTES sont toujours là, cintrés, le numéro de secteur aussi, entre deux étoiles. La différence, outre la taille, tient au bloc central : il n’est plus fait mention de la levée, remplacée par une étoile, le mois est en chiffres arabes.

A – Cachet standard des secteurs postaux

Contrairement aux numéros des payeurs, qui étaient échelonnés sur 154 bureaux, jusqu’au numéro 225, les secteurs postaux formèrent une série continue. Celle-ci toutefois commença bien vite à enfler. La série atteint bien vite le 241 en métropole, une série (302 à 311) est en Pologne, une autre (400 et au delà au Maroc). La série des 500 est celle de l’armée d’orient, le 601 est le secteur du détachement en Palestine, le 602 de la mission militaire française auprès de l’armée grecque). Là aussi on trouve de nombreuses variétés de cachets.

Parmi ces variétés, on peut retenir :

ET de TRESOR ET POSTES plus grand ou plus petit que le reste de l’inscription

TRESOR et POSTES 105 – 25/10/1916 – « ET » plus petit
  • Mois en lettres (secteurs 154, 164, 178) ou en chiffres romains (secteur 76)
  • Sans étoile (secteurs 5 et 12)
  • Avec levée (secteur 2 de la zone britannique)
  • Chiffres gras et chiffres maigres
  • Étoiles à 5, 6 ou 8 rayons
  • Cachet hexagonal, secteur 171 Souvent considérée comme la variété la plus remarquable, concerne le 171 qui se servit d’un hexagone au lieu d’un cercle – pour un cachet en vérité antérieur à la création des secteurs.

171-hexa

B – Numéro échoppé à partir de 1917

Afin de rendre l’origine du courrier introuvable, il fut décidé fin 1917 d’achopper les numéros des cachets qui se lisaient donc * TRESOR ET POSTES * sans secteur postal.

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Trésor et Postes, 23 décembre 1917, numéro échoppé

III – Griffes horizontales

Il existe deux types de griffes. L’un ne sert ni à l’affranchissement ni à l’oblitération. Il n’est utilisé que pour donner l’origine de la correspondance, sans date. Les griffes sont parfois sur une ou sur deux lignes, (rarement plus), encadrées ou non. (cf Strowski, pp 31-33).

L’autre, indispensable, sert à illustrer l’étiquette des plis ou paquets recommandés. A cette fin, les griffes furent modifiées (raccourcies à 25 mm au lieu de 46, abrégées, avec ou sans les mots TRESOR ET POSTES.

SP 502 Service de Santé
SP 502 Service de Santé, avec griffe linéaire TRESOR ET POSTES 502 sur étiquette de recommandation

IV – Estampilles de retour et autres marques.

Pour le grand nombre de lettres qui ne pouvaient pas être distribuées, chaque bureau de payeur avait à se disposition les marques civiles les plus usuelles.

A – Cachets initiaux

retour-secteur-8
Trésor et Postes, 28 avril 1917,
étiquette recommandation avec « secteur – 8 », griffe modifiée et mention retour à l’envoyeur
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evacue

B – Cachets à partir de la fin de 1914

Les cachets précédents étaient trop choquants pour les populations et ne durèrent que peu de temps, avec de nombreuses raisons empêchant la distribution des lettres. On décida donc de créer deux types d’estampilles pour remplacer celles de 1914. La première était une griffe horizontale de 66 mm indiquant « PAS POUR LE SECTEUR POSTAL », qui avait quelques variantes, comme « NE CONCERNE PAS LE / SECTEUR POSTAL 16 ». La seconde était une griffe horizontale sur deux lignes « INCONNU / SECTEUR POSTAL* 5 * », jugée moins choquante, indiquant soit une adresse erronée, soit l’absence du militaire dans le secteur.

Inconnu secteur postal 5
Trésor et Postes, 17 avril 1918,
pour une infirmière de l’hôpital temporaire N°18 situé à Chalons sur Marne, dépendant du SP 5, QG2 de la 4ème armée avec les deux griffes :
INCONNU / SECTEUR POSTAL x 5 x et PAS POUR LE SECTEUR POSTAL N°5, griffe de 66 mm avec griffe retour à l’envoyeur

C – Autres cachets

Les secteurs postaux, comme les postes civiles, utilisaient des cachets courants : T pour « Taxe », AR pour « Accusé de Réception », R pour « recommandé » et la griffe « chargé ». L’armée d’Orient avait un cachet spécial « recherches » pour le secteur 510, une idée qui inspira aussi la griffe « recherches » du secteur 502. Le cachet le plus surprenant était celui de la 29ème division du 15ème corps d’armée (Marseille, Antibes, Toulon), qui mentionnait l’arme et le numéro de division dans un cercle de 21 mm, et ce jusqu’à la fin de l’année 1914.