La zone de l’intérieur est la partie du territoire restée sous le contrôle des autorités civiles (par opposition à la zone des armées). Dès juillet 1915 de nouvelles commissions de contrôle postal furent créées afin de centraliser les correspondances pour l’étranger et en Afrique du Nord.
I – Contrôle intégral des correspondances en provenance ou à destination de l’étranger
A – Nouvelles commissions dès 1915
Six nouvelles CCP furent mises en place en 1915 en plus de celles déjà existantes (Belfort, Pontarlier, Bellegarde et Dieppe). Il s’agit des CCP de Bordeaux, Lyon et Marseille (le 30 août 1915) puis de Alger, Oran et Tunis, le 11 septembre 1915. Toutes les correspondances internationales (vers l’étranger ou en transit) sont contrôlées, exception faite des correspondances des pays alliés.
CCP de Bordeaux

Ministère de la Guerre, Contrôle Postal de Bordeaux, cachet rouge,
11 octobre 1915, de Mayenne (Mayenne) pour Madrid (Espagne)
CCP de Lyon

Ministère de la Guerre, Contrôle Postal de Lyon, cachet violet,
16 octobre 1915, de Lyon (Rhône) pour Carouge (Suisse)
CCP d’Alger

Ministère de la Guerre, Contrôle Postal d’Alger, cachet bleu,
11 octobre 1915, de Constantine pour Baden (Suisse)
CCP d’Oran

Ministère de la Guerre, Contrôle Postal d’Oran, cachet violet, 11 avril 1917, d’Oran pour Washington DC (Etats Unis), arrivée à Washington DC le 9 mai 1917
B – Création de commissions postérieures à 1915
D’autres CCP furent créées ensuite, mais le système resta identique. Il s’agit des CCP de Bourg en Bresse (mars 1916), Constantine (septembre 1916), Narbonne (juillet 1915), Besançon (mars 1917), Port Saïd (1er août 1917), Annemasse (vers le 20 mai 1918), Nantes (juillet 1918), Châteaudun (début novembre 1918). Il y eut deux autres CCP en Algérie, à Marnia et Nemours. J. Bourguignat (op cit, p 24) qui a étudié ce point n’a pas retrouvé les dates de création.
II – Uniformisation des commissions : instruction du 30 novembre 1915
A – Création d’un nouveau timbre de censure
Pour faciliter le travail des commissions, il a été décidé de créer de nouveaux timbres, uniforme pour toutes les commissions. ce timbre porte seulement la mention « ouvert par l’autorité militaire », avec un numéro d’ordre, servant à désigner et la commission et le chef d’équipe responsable. Ces cachets sont bien connus : ils ont un encadrement à ovale double et portent un numéro allant de 0 à 960.
Nous reproduisons ci après le tableau que J. Bourguignat a établi en complétant et modifiant la liste que Strowski et Deloste avaient donnée (op. cit. p373)

On notera que ces cachets sont de modèles légèrement différents en Afrique du Nord, que l’encre est presque toujours noire à l’exception de Pontarlier, Alger et Constantine (surtout violet), de Belfort (rouge, vert, violet), Tunis (bleu et noir), Bordeaux (surtout le noir, mais aussi toutes les autres couleurs).
Commission de Dieppe
CCP Dieppe, numéro O*, 4 janvier 1918 de Paris pour Rotterdam (Pays Bas). Il ne faut pas confondre le O* avec une étoile de recherche d’écriture chimique 
CCP Dieppe, numéro 24, 7 février 1918 de Paris pour Rotterdam (Pays Bas)
Commission de Pontarlier

CCP Pontarlier, numéro 117, 2 février 1915, de Paris pour Winterthur (Suisse). On note la correspondance envoyée en exprès, y compris durant la guerre et malgré le contrôle. Elle est arrivée à destination le 5 février. Ce service a été suspendu le 16 avril 1917.
Commission de Marseille

CCP de Marseille, numéro 309 sur lettre recommandée, griffe « Postes Serbes » 6 août 1917 pour Leysin (Suisse). On notera aussi le cachet de censure en français de 57 x 17 mm en rouge « CENSURE / MILITAIRE SERBE »
Commission de Bordeaux
CCP Bordeaux, numéro 378, 13 avril 1917 de Paris pour Buenos Aires (Argentine)
Commission de Bourg en Bresse
CCP Bourg en Bresse, numéro 412, 5 mai 1917 de Paris pour Vich (Suisse). On notera que ce pli émane du commissaire militaire de la Gare de Paris Nord : à ce titre, il a la franchise, mais il reste contrôlé par les CCP de l’intérieur.
Commission d’Alger

CCP Alger, numéro 759, 30 janvier 1918 d’Alger pour New York (États Unis).
Commission de d’Oran

CCP Oran, numéros 779 et 782, 24 novembre 1917 d’Oran pour New York (États Unis).
Commission de Constantine

CCP Constantine, numéro 802, 3 octobre 1917 de Constantine pour Lausanne (Suisse). On note que la CCP de Bourg en Bresse (406) a également contrôlé le pli.


CCP Constantine, numéro 802, 12 décembre 1918 de Constantine pour Berne (Suisse). C’est fois ci c’est la CCP de Pontarlier qui a opéré un contrôle sur le pli à la suite de la CCP de Constantine
B – Cas particulier de la commission de Londres
La commission de Londres était d’un fonctionnement particulier : elle agissait en interceptant en mer les sacs postaux des navires des pays neutres. Il faut y voir une réponse à la création de nouvelles routes maritimes (ex : Espagne – New York – Pays Bas – Allemagne ou encore Suisse – Pays Bas – Amérique du Sud) pour déjouer les contrôles mis en place sur le territoire national.Décidée en janvier 1916, elle est mise en place en avril, malgré les contestations de l’Espagne, de la Suisse, des Pays Bas, des États Unis d’Amérique…
En ce qui nous concerne, on aura beaucoup de mal à trouver une trace de cette commission sur un pli affranchi avec un 25c bleu.
III – Fonctionnement d’une commission
On connait globalement le fonctionnement d’une commission type, ainsi que le personnel qui la compose. Plusieurs instructions furent publiées, on peut néanmoins retenir que le contrôle s’effectuait en deux lectures (d’ailleurs le personnel était composé de « lecteurs » et non de « contrôleurs » ou de « censeurs« ). La première sélectionnait les lettres douteuses, la seconde les lisait et les arrêtait si besoin.
A – Cachet de lecteur
CCP Pontarlier, numéro 103. L’agent vérificateur « 65 » a apposé sa marque sur le pli, 11 février 1917
B – Acheminement suspendu par l’autorité militaire
On arrêtait toutes les lettres échangées avec l’ennemi, mais aussi toutes les lettres de ou vers des pays ennemis, sous couvert d’un ressortissant neutre. On devait retourner à l’expéditeur la mention « acheminement suspendu par l’autorité militaire » toute lettre douteuse ou dont le destinataire était connu pour être un sympathisant de l’Allemagne.
CCP Pontarlier, numéro 156.
La commission a décidé de retourner la lettre (griffe « retour à l’envoyeur« ) et non pas de la saisir.
C – Traitement particulier des recommandés et des lettres chargées
Les courriers recommandés ou chargés posaient un véritable problème à la poste. Celle-ci en effet était responsable de l’intégrité du pli mais il fallait en outre dégager la responsabilité de la Commission de Contrôle. Le principe qui fut arrêté était le suivant : un employé des postes assistait à toutes les opérations de contrôle de ces plis. Si la correspondance devait être saisie, l’employé des postes le signalait sur un bordereau spécifique, avec la mention « saisie par l’autorité militaire« . Dans le cas contraire, elle était remise au service après un contrôle contradictoire de l’employé des postes et de l’officier chargé du contrôle. La correspondance ainsi contrôlée était immédiatement refermée au moyen de bandes gommées résistantes, revêtue de nouveaux cachets de cire appliqués sur la bande et l’enveloppe, ces cachets portant l’empreinte du timbre de la commission. On ajoutait enfin à l’encre rouge le nouveau poids de la lettre (voir Bourguignat, op cit, p 47).

CCP Bourg, numéro 421. La lettre chargée contrôlée à Bourg et manipulée selon les instructions pour les valeurs déclarées a été refermée, avec nouveaux cachets de cire (République assise) et rectification du poids de la lettre à l’encre rouge. On notera l’usage de timbres perforés MP pour Morin – Pons, à Lyon.
IV – Mise en place d’un contrôle coordonné avec les alliés
A – Coordination interalliée
Organiser un contrôle dans un seul pays est inefficace. C’est pourquoi, dès le début de la guerre les alliés ont cherché à coordonner leurs efforts en ce qui concerne le contrôle postal : outre les motivations liées à l’état du front ou de l’arrière, au moral des populations, le but était aussi petit à petit, en renforçant le contrôle, d’asphyxier économiquement l’Allemagne en privant les particuliers, mais surtout les sociétés, des fonds ou des biens nécessaires à la poursuite d’une activité normale. Le 10 septembre 1915 une conférence interalliée se tint à Paris afin d’envisager la création d’un bureau de centralisation des renseignements qui concernerait la France, le Royaume Uni, la Belgique, l’Italie, la Russie.Les pays échangèrent leurs instructions de contrôle postal, ce qui rendit celui-ci plus ou moins homogène.
Le 10 avril 1916 se tint à Paris une autre conférence sur l’« exercice du contrôle de la correspondance ». On retiendra qu’il n’y a pas de censure entre alliés, que chaque pays allié à la responsabilité de sa propre censure, que toute correspondance échangée entre deux neutres ne sera contrôlée qu’une seule fois, que le contrôle inclut les colonies. La Russie a mis en place ces mesures, de même que les États Unis quand ils sont entrés en guerre. Pour autant, le courrier en témoigne, si ces mesures de contrôle ont bel et bien existé, d’autres sont autant de signes de méfiance entre la France et certains alliés ou certains aspects du contrôle allié.
Certains courriers témoignent encore de cette coordination.

12 mai 1915, Paris pour Londres avec griffe « mal dirigé » : le pli est passé par Saint Petersbourg (cf verso)
Si tout le courrier est sujet a un contrôle sous une forme ou sous une autre, ce n’est en revanche pas le cas du courrier diplomatique :
29 juillet 1916, de Chambéry pour Le Caire, censure britannique à l’arrivée au Caire
B – Contrôle britannique
En Grande-Bretagne, le Bureau de la presse officielle avait publié divers règlements dès la mise en place de la Loi de défense du Royaume d’août 1914 (DORA). Le contrôle postal et la censure s’appuyaient sur cette loi. En cas d’infraction, la correspondance ou la publication serait saisie et une procédure judiciaire ouverte contre l’auteur ou l’imprimeur. A partir de 1915, de nombreux opposants à la guerre sont ainsi mis en prison – une «chasse aux sorcières» qui a été renforcée en 1917 et a atteint son apogée dans «l’épidémie de poursuites» de février 1918. Concernant le contrôle avec l’étranger, le Royaume Uni tenta avec assez de réussite d’harmoniser le contrôle postal avec la France. Ainsi, on trouve des correspondances issues de France ouvertes au Royaume Uni avant l’entente interalliée, ceci n’est plus le cas ensuite.
En revanche le Royaume Uni procéda par sondage à la correspondance des colonies des pays alliés.
30 novembre 1916, de Chambéry pour Le Caire, censure britannique à l’arrivée au Caire
18 octobre 1918, Photographies de Paris à Bombay (Inde), censure britannique à l’arrivée, sur fragment
C – Contrôle russe
En Russie, le 22 juillet 1914, les règlements de censure civile existaient déjà, notamment sur le courrier : ils ont été remplacés par la censure militaire en vertu du Décret temporaire sur la censure de guerre et une liste supplémentaire de secrets militaires. La censure préventive a été imposée à Petrograd et dans les zones d’opérations militaires. Ailleurs, on s’attendait à ce que les censures ne suppriment que les publications nuisibles aux intérêts militaires. Finalement, à partir de février 1916, la censure a été étendue aux articles politiques et plus tard même aux discours à la Douma, mais à la fin de l’année, la censure ne pouvait plus ou ne résisterait plus à la marée de la critique.
Ainsi et alors que la coordination avec la Russie Tsariste semblait correcte, malgré l’éloignement, ceci changea totalement après la Révolution d’Octobre 1917. Plus encore, après l’armistice de Brest Litovsk du 15 décembre 1917 entre la Russie et l’Allemagne et la paix du 3 mars 1918, le service postal fut suspendu avec la Russie et la Roumanie (qui avait suivi de fait la Russie dans la paix séparée). Partiellement rétabli en juillet 1918 pour les correspondances ordinaires et les cartes postales, le service fut de nouveau totalement interrompu le 10 octobre 1918.
26 décembre 1915, de Paris pour Petrograd, censure de Petrograd, les décisions de la commission interalliée ne sont pas encore appliquées.
Même si elle avait acquis une très large autonomie (participation sous les couleurs finlandaises aux JO de Stockholm de 1912) et des droits uniques (vote des femmes dès 1906), la Finlande restait cependant un territoire russe. Ceci explique que le courrier pour Helsinki passât d’abord par Saint Petersbourg (Petrograd) :

11 octobre 1916, de Paris pour Helsinki, censure russe de Petrograd (verso et étiquette) puis d’Helsinki, cachet rouge.
D – Contrôle italien
L’Italie avait proclamé sa neutralité au début de la guerre. Cependant, dès le début ou presque du contrôle postal, la France avait envisagé de surveiller le courrier à destination ou en provenance de l’Italie. Une CCP devait être créée à Chambéry et une autre à Nice, mais l’armée avait préféré contrôler tout le courrier de la route italienne à Lyon. L’entrée en guerre de l’Italie en mai 1915 bouleversa ces prévisions. Cependant, l’Italie n’était en guerre que contre l’Autriche-Hongrie et non contre l’Allemagne (ce fut fait en août 1916), elle restait un point de passage possible pour le courrier à destination de l’Allemagne. La France décida donc de recontrôler les correspondances passées par l’Italie, qu’elles fussent pour la France, un allié ou un pays neutre. Ce qui entraina une certaine réciprocité dans le contrôle.
Du côté italien, la censure des bureaux de poste étrangères était effectuée à Bologne, Milan et Gênes, sous la dépendance directe du commandement suprême, bureau de l’information. Le bureau de Bologne (connu par sa griffe BOLOGNA POSTA ESTERA) ouvrit le 23 mai 1915, dès la déclaration de guerre, celui de Milan le 1er décembre 1915, celui de Gènes le 15 juin 1916.
24 août 1915, de Paris à Florence, contrôle militaire à Bologne qui appose la griffe “BOLOGNA POSTA ESTERA”
21 octobre 1918, de Nice à Rome, contrôle militaire de Gènes, bande de fermeture et griffe « (48)
VERIFICATO / PER CENSURA Genova Posta estera »
E – Contrôle italien en Libye
L’Italie commença la conquête de Tripolitaine et de la Cyrénaïque le 4 octobre 1911, envoyant à Tripoli contre l’Empire ottoman 1 732 marins au commandement du capitaine Umberto Cagni. Cette conquête fut confirmée par le traité de Lausanne du 18 octobre 1912 qui mit fin à la guerre italo-turque et cédait à l’Italie les provinces de la Tripolitaine, de la Cyrénaïque et du Dodécanèse. Toutefois, seule la Tripolitaine fut effectivement contrôlée par l’armée italienne.
A la fin de la guerre, tout comme le territoire de la péninsule, les territoires sous autorité italienne connaissaient des commissions de censure. A Tripoli, la commission apposait alors un timbre rouge « TRIPOLI, VISTO DEL CENSORE »
3 mars 1918, de Marseille à Tripoli, contrôle militaire de Tripoli,
cachet rouge « TRIPOLI / VISTO DEL / CENSORE »
F – Contrôle serbe
Bien qu’alliée la Serbie n’était pas incluse dans les accords de coordination. Le seul intermédiaire pour les évacués serbes dans le contact avec leurs familles est alors la Croix Rouge suisse. Il va de soi que ce courrier doit être contrôlé, en principe par la CCP de Marseille. Le contrôle postal en provenance de Corfou ou de Salonique devait être contrôlé au départ par les autorités serbes et les autorités françaises de l’Armée d’Orient.

11 mars 1918 : lettre recommandée du secteur 504 attribué à l’armée serbe pour Genève
29 mars 1918, secteur 504 avec cachet serbe cyrillique sur le pli
et marque de contrôle serbe avec en outre le contrôle de l’Armée d’Orient
Le pli est passé par une commission de contrôle, soit à Salonique, soit dans une autre ville grecque où une commission française existait. Le cachet est du même type que le cachet métropolitain, mais avec un chiffre droit (ils sont numérotés de 1 à 10). On notera aussi la lettre O échoppée qui permettait de repérer le lecteur de la commission.
Quand le pli était à destination de Corfou ou de Salonique, on appliquait le même traitement, mais dans le sens contraire.

13 novembre 1916 : Marseille étranger (pas de contrôle à Marseille) pour SP999 (armée serbe) à Salonique avec griffe « Ouvert par l’autorité militaire serbe » portant marque du contrôle serbe.
G – Contrôle grec
Parce que le gouvernement royal de Grèce fut hésitant au moment de son entrée en guerre, parce que les tensions politiques étaient encore grandes et que le Roi avait gardé un sentiment germanophile attesté, la France a témoigné d’une certaine méfiance à l’égard des autorités grecques.

CCP Marseille, numéro 310, 20 juillet 1918 de Paris pour Athènes (Grèce) et censure grecque d’Athènes à l’arrivée : la méfiance française entraine une réciprocité du contrôle (bande de fermeture et griffe Elliniki Logokrisia, en caractères grecs)
H – Contrôle portugais
Neutre au début de la guerre, le Portugal a néanmoins subi le contrôle allié, y compris après l’entrée en guerre le 9 mars 1916. La France demanda un travail renforcé pour éviter le contournement du contrôle et la mise en place de routes atlantiques. Toutefois le Portugal refusa jusqu’au renversement d’un gouvernement germanophile en janvier 1918. Après cette date les correspondances vers le Portugal furent surtout contrôlées à l’arrivée – et moins à Bordeaux.
Avril 1918, lettre pour Lisbonne, contrôle 355 de la CCP de Bordeaux. On notera en outre l’étoile rouge témoignant de la recherche d’une encre sympathique (voir ce point)
Juillet 1918, carte postale au tarif des lettres de Bordeaux à Lisbonne, Censure portugaise n°27
8 août 1918, de Pau à Lisbonne, Censure portugaise n°5
I – Contrôle roumain
Le courrier avec la France est fréquent en raison des relations personnelles, culturelles et économiques établies entre les deux pays. La France, on le rappelle, avait son propre système de censure. Dan Grecu distingue 4 périodes.
Période I (5 août 1914 – octobre 1915) :
Le courrier est dirigé sur la route du Sud. En février 1915, il ne présente pas d’aspects particuliers de l’histoire postale, n’étant soumis à aucune censure. Ce n’est qu’après la création des commissions de censure françaises que le courrier terminal entre la Roumanie et la France sera soumis à leur contrôle. En fait, seules deux commissions sont connues à ce jour, car elles ont censuré le courrier terminal avec la Roumanie :
– la Commission de Belfort, fondée en décembre 1914, a censuré le courrier terminal avec les restes de l’Alsace, regroupés dans le Territoire de Belfort, entre les mois de février et août 1915 et le courrier éventuel est arrivé non censuré après cette date.
– la Commission de Marseille, créée le 30/08/1915, censurera désormais toutes les correspondances terminales arrivant sur la ligne Sud.
Deuxième période (Novembre 1915 – mars / juillet 1918)
Le courrier est dirigé sur la route du Nord, les points de censure de ce réseau étant : Iași censure roumaine, Petrograd censure russe, Dieppe censure française. Le 31/08/1916, la CICC (la Commission centrale de contrôle interministériel en France) décide de maintenir le contrôle postal pour la Roumanie, même si ce pays s’est rangé du côté des Alliés, la raison étant que la Roumanie n’avait pas encore de contrôle postal organisé et que de nombreux citoyens ennemis y vivent (au moment où la censure roumaine a été organisée et peu après que les citoyens étrangers de Roumanie ont été internés dans des centres spéciaux, donc ces arguments seront dépassés). Voici les combinaisons des censures enregistrées jusqu’à présent :
– Direction Roumanie – France (RO-FR) :
1) uniquement la censure russe, constatée dans la période de novembre 1915 à août 1916 (avant l’entrée en guerre de la Roumanie)
2) uniquement la censure française, situation constatée dans la même période : novembre 1915 – août 1916.
3) uniquement la censure roumaine de Iași , situation constatée au moins en sept. 1916 et après nov. 1917.
4) censure roumaine de Iași + censure française de Dieppe, combinaison constatée au moins en septembre-octobre 1916.
5) La censure roumaine de Iași + la censure russe d’Odessa ou de Petrograd est la combinaison la plus courante pour cette direction, car, selon les accords internationaux, les Français n’intervenaient pas sur le courrier déjà censuré par leurs alliés russes.
6) Censure roumaine de Iași + censure russe de Petrograd + censure française de Dieppe est la combinaison la plus rare. Les révolutions russes ont inquiété les alliés occidentaux, si bien qu’ils ont ignoré l’accord susmentionné et ont ordonné, en avril, un nouveau contrôle du courrier en provenance de Russie. Il semble que cela ne se soit produit qu’occasionnellement, par le biais de contrôles aléatoires, en particulier à partir de novembre 1917.
– Direction France – Roumanie (FR-RO) :
1) uniquement la censure française, situation enregistrée entre novembre 1915 et août 1916.
2) seulement la censure roumaine, cette situation n’a été vue qu’occasionnellement, au moins entre août 1916 et janvier 1917.
3) Censure française à Dieppe + Bucuresti octobre à novembre 1916
Et censure française à Dieppe + Iași censure roumaine, situation plus rare, enregistrée au moins au mois de décembre 1916 et d’octobre-décembre 1917.
4) La triple censure française à Dieppe + censure russe à Petrograd + censure roumaine à Iași , est la situation la plus rare.
Troisième période (janvier – août 1919)
Le courrier sur la route du Sud via l’Italie se distinguent en deux moments.
1) dans la période janvier – mai 1919 : on peut rencontrer les cachets de la censure italienne (Bologne dans les cas que nous connaissons jusqu’à présent).
2) dans les mois de juin-août 1919 en ce qui concerne le courrier pour les deux directions (FR RO ou RO-FR) il y a deux situations :
– exclusivement la censure roumaine de Bucarest (presque tous les cas)
– Combinaison entre la censure roumaine (Bucarest) et la censure française (Beaune) car le courrier arrive en France par l’Italie et la Suisse. A cause de sa position difficile (juste à la frontière avec la Suisse) le bureau de censure de Pontarlier a été déplacé le 27/6/1918 à Beaune.
On connaît une situation normalement difficile à comprendre en détail ; il s’agit du transport du courrier par coursier militaire de Paris à Bucarest, où l’expéditeur (Lia Rosetti, la fille de l’avocat Radu D. Rosetti) explique clairement dans le texte le mode d’envoi : “Cette lettre passe par le courrier militaire, par le train spécial du vendredi pour les commissions militaires (n.a. 3/21/1919), donc au début de la semaine prochaine ma lettre sera entre vos mains et il est impossible qu’elle soit perdue”.
Quatrième période (après septembre 1919)
La censure française a été suspendue le 15/8/1919 donc désormais toutes les correspondances extérieures entre la Roumanie et la France seront exclusivement censurées par les Roumains à Bucarest (jusqu’à son abolition en 1920) ou dans les nouveaux territoires.
Un aspect spécifique est la correspondance terminale avec les territoires occupés en Allemagne, donc la Rhénanie (zone occupée, démilitarisée) et l’Alsace-Lorraine (provinces annexées) où la censure a continué aussi après août 1919, donc les correspondances terminales pouvaient être censurées à la fois par les Roumains et les Français jusqu’aux années 1920. Les bureaux de contrôle en Alsace-Lorraine et en Rhénanie ont réutilisé les anciens cachets militaires français, qui ont un texte différent de celui de la censure du courrier civil (ainsi CONTROLE * PAR L’AUTORITÉ MILITAIRE) et des chiffres inclinés, italiques. Alsace-Lorraine. Les relations postales entre les nouveaux territoires et la France ont été rétablies le 26/11/1918 et, immédiatement après, des commissions de censure postale (militaire) ont été créées à Metz, Mulhouse et Strasbourg. La correspondance avec les pays alliés et neutres fut bientôt autorisée, en ce qui concerne la Roumanie, elle pouvait être réalisée par l’intermédiaire de la Suisse (toute la correspondance relative à la Suisse était censurée à Mulhouse).
Le 4/1/1919, elle autorise la circulation du courrier privé de la Rhénanie occupée dans tous les sens et toutes les directions avec la mention qu’en dehors de la zone d’occupation (donc y compris la Roumanie) seules les cartes postales sont autorisées. Des bureaux de censure français sont créés à Neuss, Cologne, Trèves, Mayence, Ludwigshafen, Landau, Clèves, Aix-la-Chapelle, Luxembourg, Landau, Sarrebruck et Metz. Le trafic postal à travers l’Allemagne et l’Autriche vers la Roumanie étant suspendu, ces correspondances doivent être dirigées jusqu’en septembre 1919 à travers la France, la Suisse et l’Italie.
Enveloppe FRANCE vers ROUMANIE de PARIS le 06 septembre 1916 (Seconde Période).

Cette enveloppe est passée à Dieppe où la Commission de Contrôle a apposé son cachet ovale “OUVERT PAR L’AUTORITÉ MILITAIRE – 5” sur la bande de fermeture “CONTRÔLE POSTAL MILITAIRE” et sur les timbres.
Arrivée à Bucarest elle est contrôlée une nouvelle fois avec le cachet postal rouge : BIUROUL DE CENSURĂ MILITARĂ * BUCUREȘTI-SCRISORI portant la date du 14 novembre 1916.

Au verso on trouve le cachet rectangulaire : BUCUREȘTI POSTA CLĂ (couleur rouge, appliqué sur l’étiquette de fermeture de ILFOV DISTRICT/JUDETUL ILFOV) et le cachet à date de Bucarest du 15 novembre 1916.

CENZURAT CENZURA MILITARA BUCUREȘTI POSTA CLĂ
H – Contrôle américain
En avril 1917 le Central Censorship Board et le Committee on Public Information aux Etats Unis rendaient la censure légale aux États Unis. Cependant le contrôle, du fait des alliés, et même si les États Unis étaient neutres, était déjà effectif, ce dont les États Unis se plaignirent à de nombreuses reprises. Pour le ministère des affaires étrangères, la réaction des pays neutres est tout à fait compréhensible, tout comme la position du ministère de la guerre qui souhaitait étouffer l’Allemagne.
Après l’entrée en guerre des États Unis d’avril 1917, ceux-ci adoptent les modalités du contrôle interallié et renforcèrent ainsi la pression sur les empires centraux.




